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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

soit, le double envoi que nous devons à M. Hodgson nous a mis en possession d’environ quatre-vingt-huit ouvrages buddhiques composés en sanscrit, soit en vers, soit en prose, qui contiennent, selon toute vraisemblance, ce qu’il y a de plus important dans la collection religieuse du Népâl. Ces ouvrages, en effet, rentrent pour la plupart dans les grandes divisions des écritures buddhiques dont la tradition népâlaise, d’accord avec le témoignage des livres eux-mêmes, nous a conservé le souvenir.

Nous ne serions cependant pas en mesure de juger, d’après ce que nous possédons, de l’étendue de la littérature buddhique, s’il fallait nous en rapporter à une tradition généralement répandue chez les Buddhistes du Nord et chez ceux du Sud, tradition qui fait monter à quatre-vingt-quatre mille traités l’ensemble des livres de la loi[1]. Je trouve dans une compilation philosophique, l’Abhidharma kôça vyâkhyâ, dont il sera parlé plus tard, un passage relatif à cette tradition, qui prouve qu’elle n’est pas seulement orale : « J’ai reçu de la bouche du Bienheureux, dit un texte sacré, quatre-vingt mille textes de la loi et plus. Dans un autre recueil, ajoute le commentaire, on lit quatre-vingt-quatre mille. Le corps de la loi se compose des livres qui font autorité ; or, ces livres sont, suivant quelques-uns, au nombre de six mille, et on les désigne par le titre de Dharma skandha, ou le corps de la loi. Quant aux quatre-vingt mille textes de la loi, ils sont perdus ; le seul qui subsiste est ce corps unique [de six mille volumes]. D’autres entendent par Dharma skandha chacun des articles de la loi, et ils en comptent quatre-vingt mille[2]. » C’est plutôt dans ce dernier sens qu’on doit prendre le terme de skandha. S’il fallait admettre qu’il ait jamais existé une aussi volumineuse collection, fait que conteste judicieusement M. Hodgson[3], on serait forcé de se la représenter comme renfermant des ouvrages de proportions très-diverses, depuis un traité proprement dit jusqu’à une simple stance. Ainsi nous connaissons un ouvrage sur la métaphysique buddhique, la Pradjñâ pâramitâ, dont on a deux rédactions, l’une en cent mille articles, et l’autre en une seule voyelle, multum in parvo[4]. La tradition que je viens de rappeler est du reste ancienne chez les Buddhistes. Elle a même donné au chiffre de quatre-vingt-quatre mille une sorte de consécration ; car on sait qu’ils ont appliqué ce chiffre à d’autres objets qu’à leurs livres religieux.

  1. Hodgson, Notices of the languages, etc., dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 421.
  2. Abhidharma kôça vyâkhyâ, p. 38 b de mon manuscrit. Comparez Turnour, Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 526.
  3. Asiat. Researches, t. XVI, p. 425.
  4. Csoma, Asiat. Res., t. XX, p. 393 comp. à p. 396 ; c’est A, qui contient tout ! — Analysis of the Kah-gyur, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 376.