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DU BUDDHISME INDIEN.


veut être précédé d’une voyelle abrégée. Quoique particulière au pâli de Ceylan, je me persuade que l’insertion de cette nasale a eu également lieu dans l’Inde à des époques anciennes. On en retrouve des traces dans les dialectes d’origine pracrite, et, pour ne pas sortir de notre sujet, les deux orthographes grecques Sâgala et Sangala ne s’expliquent pas autrement ; évidemment la première reproduisait la forme savante, et la seconde la forme populaire. Je n’ai pas besoin d’avertir que ce rapprochement ne porte que sur le nom, et qu’il ne préjuge rien sur l’identité contestée de la Sâgala d’Arrien et des villes de Çâkala, Sâgala et Sangala des Indiens. J’ajoute que si mon analyse est exacte, elle met d’avance au néant toutes les étymologies de ce mot, qu’on voudrait chercher en tenant compte de la nasale, comme M. Masson a essayé de le faire[1]. Ce n’est pas que je regarde la leçon de Sâgala comme une orthographe parfaitement exacte ; je n’hésite pas au contraire, à y voir l’altération de Çâkala, par suite de la substitution de la douce à la forte, laquelle a lieu dans plusieurs dialectes du Nord de l’Inde. La véritable leçon est certainement celle du Mahâbhârata et des légendes buddhiques. On ne peut pas non plus être en doute sur la nature de la sifflante initiale ; ce doit être Çâkala, comme l’écrit Lassen d’après Pâṇini et un manuscrit du Râmâyaṇa[2]. Cette orthographe est la seule qui se prête à une explication étymologique régulière ; je propose, en effet, d’y voir « l’habitation des Çakas, » en vertu d’une dérivation analogue à celle que Lassen a donnée de l’ethnique Sim̃hala, « la demeure des lions. » La présence des Çakas ou Saces dans cette partie de l’Inde, antérieurement à l’invasion d’Alexandre, quelque nouvelle qu’elle puisse paraître, n’est cependant pas impossible. On sait d’ailleurs que la dénomination de Çaka était dans l’antiquité celle de la généralité des peuples cavaliers et nomades, par opposition aux peuples établis dans les villes. Cette interprétation du nom de Çâkala expliquerait même, si elle pouvait être plus explicitement démontrée, les reproches et le blâme dont le Mahâbhârata flétrit les mœurs dissolues de ses habitants.


No VII. — DE L’EXPRESSION PRATÎTYA SAMUTPÂDA.
(second mémoire, section iv, page 432.)

Voici une explication du terme sacramentel de Pratîtya samutpâda, que le commentateur de l’Abhidharma kôça attribue au philosophe Çrîlâbha. Dans ce

  1. Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 60.
  2. Zeitschrift, etc., t. III, p. 212.