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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Résumons maintenant ce qui résulte de cet exposé pour la connaissance de la mythologie buddhique. Il est évident que depuis les quatre grands rois jusqu’aux grands Brahmâs, ce sont les idées brâhmaniques qui dominent, et qui l’emportent en nombre et en importance sur les idées propres aux Buddhistes[1]. Ce qui appartient à ces derniers, c’est, outre l’invention de deux ordres de Divinités inconnues aux Brâhmanes, la classification qui repose sur cette hypothèse, qu’à mesure que les cieux s’éloignent de la terre, ils augmentent en puissance et en pureté. Au-dessus des grands Brahmâs jusqu’aux Akanichṭhas, tout est buddhique, invention et disposition. Ces quatorze cieux, qui avec les quatre de Brahmâ constituent le monde des formes divisé en quatre sphères de contemplation, laissent bien voir, comme l’a dit M. A. Rémusat, qu’on s’est efforcé de graduer la perfection en entassant les idées de pureté, de lumière et de grandeur[2].

Peut-on dire que tout cela soit contemporain de Çâkya ? C’est ce que je n’oserais affirmer ; il est toujours certain que ces conceptions sont anciennes dans le Buddhisme, car elles appartiennent aux deux grandes écoles, qui ont commencé à se séparer du tronc commun, trois siècles avant notre ère. On reconnaîtra sans doute plus tard qu’il faut distinguer entre le cadre et la manière dont il est rempli ; le cadre, c’est la croyance à quatre degrés de contemplation, que Çâkya et ses premiers disciples passent pour avoir franchis. Ces degrés de contemplation sont purement philosophiques, et d’autant plus parfaits qu’ils sont d’un rang plus élevé. Les habitants des trois ou quatre cieux de Brahmâ, ainsi que ceux des quatorze étages supérieurs, sont rattachés à ces quatre degrés de Dhyâna, probablement parce que chacun de ces Dhyânas est le genre de spéculation auquel ces divers Dieux se sont livrés de préférence, et qui leur a valu de résider dans l’une des sphères correspondantes[3]. Je dis probablement, car je dois reconnaître que je n’ai trouvé aucune affirmation positive à cet égard dans les textes sanscrits que j’ai consultés.

Pour achever l’exposition complète du système des mondes supérieurs, tels

    le suprême Âdibuddha est complètement inconnu aux Tibétains, et qu’il ne s’en trouve pas la moindre trace dans leurs livres ; cependant les Tibétains qui ont traduit les Tantras où il en est question, et en particulier le Kâla tchakra, doivent le connaître. L’assertion de M. Schmidt est certainement trop générale, à moins qu’il ne compte pas les Tantras au nombre des livres canoniques. Je suis bien près d’être de ce sentiment ; mais je n’en crois pas moins nécessaire de distinguer et de dire de quelle classe de livres on parle.

  1. M. Hodgson avait déjà fait cette remarque. (Transact. Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 248, note 7.)
  2. Foe koue ki, p. 146. Journ. des Savants, année 1831, p. 669.
  3. A. Rémusat, Essai sur la Cosmogon., dans Journ. des Savants, année 1831, p. 668.