Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
539
DU BOUDDHISME INDIEN.

quatrième étage des Asuras, dans Pallas, dont la collection curieuse mérite en général une grande confiance pour tout ce qui regarde le Buddhisme de l’Asie centrale. Cela prouve qu’elle est très-familière aux Mongols ; il me semble indispensable de l’exposer en peu de mots. Sur le degré inférieur des étages qu’embrasse le Mêru résident les génies munis d’un vase ; ce sont les Yakchas des Tibétains. Au-dessus d’eux viennent ceux que Pallas appelle libres (freye) ; ils répondent apparemment aux génies portant une guirlande de Georgi ; car ils ont au-dessus d’eux ceux qu’on nomme toujours ivres, lesquels sont placés au troisième degré par Pallas comme par Georgi ; mais j’ignore la raison du nom de libres que Pallas leur donne. Les Chinois, ainsi qu’on le verra tout à l’heure, ont un ordre de génies qu’ils appellent délivrés, et auxquels répondent les libres de Pallas. Enfin, au-dessus de ces trois classes de génies viennent les Macharansa Chane, c’est-à-dire les Mahârâjas rois, qui commandent à tous ces esprits secondaires, et dont les palais regardent les quatre points cardinaux dont ils sont les protecteurs[1]. On voit que Pallas ne parle pas des Asuras, dont quelques Tibétains font les habitants du quatrième ciel ; sans doute qu’il les confond avec les génies toujours ivres de la troisième division du Mêru. M. Schmidt, auquel on doit les Mémoires les plus élaborés sur les étages célestes des Buddhistes mongols, place les Asuras dans les profondeurs des régions souterraines[2].

Les Chinois semblent également connaître ces divers ordres de génies ; du moins je trouve dans le Mémoire souvent cité de M. Abel Rémusat sur la cosmographie buddhique quelques détails qui ont un rapport manifeste avec le sujet qui nous occupe. Il s’agit des montagnes disposées en cercle autour du Mêru, et qu’on représente s’élevant par degrés depuis la chaîne qui environne la terre, jusqu’à celle qui atteint la moitié de la hauteur du mont central. Ces montagnes forment ainsi de véritables étages qui sont habités par des êtres supérieurs à l’homme. Je ne crois pas nécessaire d’insister sur le nombre de ces chaînes, qui pour les uns est de sept, et pour les autres de dix ; et je ne m’arrête pas davantage à remarquer l’analogie frappante qu’offre cette description avec le système cosmologique des Brâhmanes. J’observe seulement que sur une de ces chaînes vivent les Yakchas, sur une autre les immortels qu’on appelle Délivrés, et enfin sur celle qui est la plus rapprochée du Mêru les Asuras[3]. Le système des Chinois, qui

  1. Samml. hist. Nachricht., t. II, p. 46. Pallas, avec son exactitude ordinaire, a renvoyé à l’exposé de Georgi, dont il note en termes généraux la divergence d’avec le sien.
  2. Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. II, p. 34.
  3. Journal des Savants, année 1831, p. 606. Il y a dans cette partie du Mémoire de M. Rémusat plusieurs noms de montagnes dont il est facile de retrouver la forme sanscrite, sous l’altération