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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

je crois utile de comparer avec celle de notre Sûtra[1]. Cette comparaison peut être intéressante sous plus d’un rapport. En premier lieu, comme les noms tibétains des cieux et des divinités qui les habitent ne sont que des traductions de noms primitivement sanscrits, et que Georgi n’a pas donné ces derniers noms qui lui étaient inconnus, il est nécessaire de rapprocher la liste tibétaine de celle de notre Sûtra, pour fournir quelques éléments de plus à cette comparaison des deux littératures buddhiques, celle du Tibet et celle du Népâl, qui ne peut qu’être si profitable à l’une et à l’autre. Ensuite, sous un point de vue plus élevé, il est indispensable de connaître quelles additions les Buddhistes ont faites au Panthéon populaire des Brâhmanes qu’ils ont adopté, ou tout au moins qu’ils n’ont pas proscrit ; c’est, en effet, uniquement d’après la nature de ces additions qu’on pourra juger du caractère propre de leur mythologie.

L’énumération de Georgi, qui suit la même marche que celle de notre Sûtra, part en s’élevant des étages les plus rapprochés de la terre ; mais elle ne commence qu’au ciel des Tuchitas, et elle omet ainsi les trois premiers ordres dont notre Sûtra donne les noms. Mais Georgi reprend ce sujet dans d’autres passages de sa compilation, et il est possible, en réunissant tous ces passages, de présenter un tableau complet du nombre et de la formation des étages dont se compose le monde supérieur selon les idées des Buddhistes.

On sait que c’est sur les flancs du mont Mêru, c’est-à-dire de cette montagne fabuleuse qui, suivant la définition exacte de M. Abel Rémusat, est tout à la fois la partie la plus élevée du monde terrestre et le point central du ciel visible[2], que les Buddhistes placent les étages inférieurs des cieux qui s’élèvent graduellement au-dessus de la terre. Les quatre continents dont se compose la terre que nous habitons sont disposés autour de cette montagne, laquelle s’élève au-dessus de leur surface autant qu’elle plonge au-dessous[3]. La partie supérieure du Mêru est divisée en plusieurs étages, dont le premier en remontant est habité par des génies dont les Tibétains nomment le prince Gnod-sbyin lag-na gjong-thog[4]. Je ne connais pas le mot sanscrit correspondant à ce nom, qui est manifestement composé. Georgi n’en a pas donné la traduction ; mais on peut l’interpréter à l’aide du dictionnaire de Csoma, d’après lequel Gnod-sbym signifie a mischievous fancied spirit, et lag-na gjong-thog (ou plutôt thogs) désigne un être imaginaire qui tient un bassin à la main. À ces notions M. Schmidt ajoute

  1. Alphab. Tib., p. 182 sqq.
  2. Journ. des Savants, année 1831, p. 609.
  3. Georgi, Alphab. Tib., p. 480.
  4. Ibid., et p. 237.