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DU BUDDHISME INDIEN.

nement rien de plus que l’élément dit Nirvâṇa, ou en d’autres termes, que le Nirvâṇa.

L’expression nirupadhiçêcha n’est pas à beaucoup près aussi facile. On la trouve aussi écrite anupadhiçêcha[1], ce qui revient absolument au même. Les Buddhistes du Sud donnent de ce mot des orthographes bien plus divergentes. Ainsi le commentaire du Mahâvam̃sa, dont M. Turnour a fait exécuter à Ceylan une copie dont il m’a complaisamment cédé l’usage, cite parmi les épithètes d’un Buddha anupâdisesa nibbâm sam̃pâpakam[2], « celui qui fait obtenir complètement le Nirvâṇa. » Le mot anupâdisesa, que Clough écrit de même[3], est reproduit avec un a bref, anupâdisesa, dans un autre passage du même commentaire du Mahâvam̃sa. Quelques recherches que j’aie faites dans les livres buddhiques écrits en sanscrit qui sont à ma disposition, je n’ai trouvé nulle part de commentaire complet de ce terme. La glose du Pañtcha krama, petit traité dont j’ai parlé plus haut[4], et qui n’est certainement pas des premiers temps du Buddhisme, est le seul livre où j’aie rencontré quelque trace d’explication, dans le passage suivant : sôpadhiçêcham pañtchaskandhamâtra çûnyam, anupadhiçêcham sarvaçûnyam nirvâṇam[5]. Si les rapports que je suppose entre ces termes existent réellement, il faudra les traduire ainsi : « Le sôpadhiçêcka, ou ce dans quoi il reste de l’Upadhi, n’est vide que des cinq Skandhas ; l’anupadhiçêcha, ou ce dans quoi il ne reste pas d’Upadhi, est vide de tout, c’est le Nirvâṇa. »

Que signifie maintenant upadhi ? Wilson donne à ce terme ces sens : 1° fraude, 2° roue d’un char, 3° terreur ; mais aucune de ces significations ne me paraît convenir ici. Je remarque toutefois que le sens de roue nous rapproche de l’explication adoptée par Clough, qui lisant anupâdisesa, analyse ainsi ce terme : « na (not) upâdi (producing) sesa (transmigration), » c’est-à-dire, « ce qui met un terme à la transmigration, ce qui conduit au Nirvâṇa[6]. « Je regarde cette explication comme tout à fait insoutenable ; elle ne nous apprend qu’une chose, c’est le résultat du Nirvâṇa qui est de mettre un terme à la transmigration. En le citant ici, j’ai uniquement l’intention de montrer que si upadhi avait dans notre expression buddhique le sens de roue, on y retrouverait les éléments de la traduction donnée par Clough, « ce où il ne reste pas de roue, » pour dire, de révolution du monde. Mais outre que le commentaire du

  1. Pañtcha krama ṭippanî, f. 16 b.
  2. Mahâvam̃sa ṭîkâ, f. 2 b init.
  3. Singhal. Diction., t. II, p. 30.
  4. Second Mémoire, sect. VI, p. 497.
  5. Pantcha krama ṭipp., f. 16 b, l. 4.
  6. Singhal. Diction., t. II, p. 30, col. 2.