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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

suite du mélange du Buddhisme avec le Çivaïsme, ont-ils été admis par le troisième concile qui n’a pu les repousser du canon des écritures sacrées ? Ce sont là deux suppositions sur la valeur desquelles nous n’avons pas beaucoup de moyens de nous décider, quoiqu’il soit possible, ainsi que je le ferai voir plus tard, d’apporter en faveur de la seconde des arguments de quelque poids. Ce que je puis déjà dire, c’est qu’ici Nâgârdjuna paraît avoir exercé une influence considérable, et que la tradition, d’accord avec le témoignage d’un des livres qui a été analysé plus haut, la Pañtcha krama, nous le représente comme ayant pris une part active à la propagation des Tantras.

Si maintenant nous essayons de rattacher à cet aperçu général, qui porte uniquement sur les livres réputés inspirés, ce que nous apprend l’analyse des ouvrages dont les auteurs sont connus, nous nous trouverons en état de compléter l’histoire de la collection népâlaise et de la suivre, au moins dans ses principales phases, presque jusqu’à nos jours. La tradition, avons-nous dit, nous apprend que trois conciles ont successivement mis la main aux écritures buddhiques, et elle place ces trois conciles dans l’espace de temps compris entre ces deux époques extrêmes, la première année et la quatre centième après la mort de Çâkyamuni. Cet espace de temps embrasse ce que j’appelle les temps anciens du Buddhisme septentrional. La fin de ces temps se trouve naturellement marquée par le dernier concile. À partir de cet événement, le Buddhisme ne cesse pas de vivre dans les provinces de l’Inde où il a pris naissance ; loin de là, il m’est évident qu’il continue à s’y développer, et qu’il prend un nouvel essor ; mais les modifications qu’il subit ne reçoivent pas, au moins à ma connaissance, la sanction d’un concile, et je les regarde comme l’effet de travaux et d’efforts individuels. Le Buddhisme, en un mot, entre dans une ère nouvelle que j’appelle le moyen âge, par opposition aux temps anciens dont la tradition nous a conservé un souvenir plus ou moins précis. Pendant ce second âge, qui est celui des commentateurs, le Buddhisme septentrional eut des destinées très-diverses. D’abord il se maintint, plein d’éclat et de vigueur, dans les lieux où il était établi depuis des siècles ; il y donna le jour à des systèmes aussi nombreux que variés ; mais attaqué successivement dans toute l’Inde par le Brâhmanisme, il finit par disparaître entièrement de ce pays. Son expulsion complète date pour moi la fin du moyen âge dont je viens de parler, et le commencement des temps modernes. Je ne me dissimule pas, je l’avoue, combien cette limite est vague, puisque d’une part la persécution brâhmanique a duré bien des siècles (du ve au xive de notre ère environ) avant de triompher entièrement du Buddhisme, et que, de l’autre, le culte proscrit n’a quitté que pas à pas les diverses provinces où il avait jeté de si profondes racines. Cette limite devient cependant plus précise, si l’on combine