moment, les Religieux qui mirent les premiers par écrit l’enseignement de Çâkya recueillirent ceux de ses discours qui se rapportent au premier principe de la doctrine, c’est-à-dire aux quatre vérités, dont il a été si souvent question ailleurs. Les seconds rédacteurs s’attachèrent aux discours relatifs à la doctrine moyenne, c’est-à-dire au néant de tout ce qui existe, et les chefs du concile joignirent aux paroles du Maître un grand nombre de sujets propres à édifier l’esprit. Enfin les troisièmes rédacteurs, qui s’étaient réunis pour mettre fin au schisme suscité par un faux Religieux, recueillirent les paroles relatives aux derniers principes de la doctrine, et y mirent la dernière main. Cette troisième collection comprend toutes les Dhâranîs (1). Les réflexions dont les auteurs mongols accompagnent cette classification des trois rédactions lui enlèvent à mon sens une partie de son caractère historique ; on ne peut croire que la première collection s’adresse exclusivement aux intelligences les plus faibles, la seconde aux intelligences moyennes, et la troisième aux esprits supérieurs. Ces distinctions sont inventées après coup pour donner la raison philosophique d’un fait que l’histoire suffit très-bien à expliquer. Mais en laissant sur le compte des écrivains mongols, qui ne sont ici sans doute que les copistes des Tibétains, leur explication du but des trois conciles, je me contente de signaler ces trois faits conservés sans aucun doute par la tradition : 1° que le premier concile s’occupa des discours relatifs aux quatre vérités ; or c’est exactement là le sujet dont traitent le plus souvent les Sûtras que je regarde comme les plus anciens ; 2° que les chefs du deuxième concile réunirent aux discours de Çâkya divers sujets propres à édifier l’esprit ; or j’ai conjecturé que plus d’un livre nouveau avait pu se glisser dans le dépôt des traditions anciennes ; 3° enfin que les Dhâranis appartiennent à la dernière rédaction ; or cela revient à l’opinion même que j’ai essayé d’établir, quand j’ai analysé quelques Tantras, et que je les ai signalés comme la partie la plus moderne de la collection népâlaise.
Poussons cependant un peu plus loin ces rapprochements, et voyons ce qu’il nous est permis d’en conclure. Je prends pour exemple les Sûtras dont j’ai distingué deux classes, les Sûtras simples, et les Sûtras plus développés nommés encore Mahâyânas. Je suppose qu’à cause de leur simplicité on doive regarder les Sûtras de la première classe, où il n’est parlé que de Çâkya, comme l’œuvre du premier concile. Il faudra aussitôt faire une réserve en faveur du second concile ; en effet, les Sûtras et les légendes où Çâkya seul est en scène offrent des traits de ressemblance si frappants et si nombreux avec ceux où figure Açôka, le roi qu’on fait contemporain du second concile, qu’on ne les en peut séparer. Les
(1) Schmidt, Geschichte der Ost-Mongol, p. 17 et 315.