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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

reconnaissait les caractères de l’orthodoxie. Que quelques parties sujettes à controverse aient été retranchées des écritures anciennes ; que d’autres parties, ou même des ouvrages entiers y aient été introduits par ce travail systématique, c’est ce qu’il est facile de concevoir, et ce qu’il ne sera pas impossible de démontrer par les faits. Mais quelque étendue que l’on suppose à un pareil travail, ce n’a jamais dû être qu’un travail de révision, un remaniement des textes antérieurs, dont la forme et le fonds, conservés par la tradition et le respect religieux, n’auraient pu être totalement changés. En résumé, s’il est permis de supposer que le dernier concile a introduit des livres nouveaux dans le canon des écritures reconnues par les conciles antérieurs, il n’est pas moins nécessaire d’admettre qu’il a laissé subsister un nombre plus ou moins considérable de ces écritures, en les modifiant d’après les idées dominantes de son temps. Cette supposition est trop naturelle pour ne pas être admise, même dans le silence des textes.

La seconde considération m’est fournie par l’examen que j’ai fait plus haut de la collection du Nord, et elle vient entièrement à l’appui de la première. J’ai acquis, par l’étude des principaux ouvrages de cette collection, une conviction que je me suis efforcé de faire passer dans l’esprit du lecteur ; c’est que sous des formes identiques, et souvent même sous un langage tout à fait semblable, se cachent des ouvrages très-différents les uns des autres, et par les développements donnés à des opinions antérieures, et par la présence d’opinions tout à fait nouvelles. J’ai pu même avancer sans exagération que, sous le nom de Buddha dharma, « la loi du Buddha, » la collection du Népâl nous avait conservé plusieurs Buddhismes, trois Buddhismes, si je puis m’exprimer ainsi : celui des Sûtras simples où ne paraît que le Buddha humain, Çâkyamuni ; celui des Sûtras développés et Mahâyânas, où se rencontrent, à côté du Buddha humain, d’autres Buddhas et Bôdhisattvas fabuleux ; celui des Tantras enfin, où au-dessus de ces deux éléments est venu se placer le culte des Divinités femelles du Çivaïsme. Je devrais probablement en compter un quatrième, celui d’Âdibuddha, avec les développements que lui ont donnés les Népâlais, et qui sont consignés dans le Svayam̃bhû purâṇa.

Il n’est aucunement dans ma pensée de rapporter ces trois grandes formes du Buddhisme septentrional aux trois conciles dont parle la tradition tibétaine. J’avoue même que je ne pourrais justifier ce rapprochement par des preuves d’un grand poids. Ce que je veux seulement dire, c’est que le fonds des diverses parties dont se compose le canon des écritures buddhiques atteste une suite de changements qui coïncident sinon avec chacun des conciles en particulier, du moins avec le fait de l’existence des conciles ; car s’il y a eu des conciles, c’est que la