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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

de tromper les Anglais qu’ils voyaient venir, et surtout d’induire à mal les gouvernements européens qui ont la naïveté de payer quelques savants pour enseigner des langues qu’on n’a jamais parlées, et des littératures que personne n’a écrites ?

À la fin de la section du Vinaya ou de la Discipline, qui ouvre la collection du Kah-gyur, on trouve des détails d’un grand intérêt sur le fait, si important dans la question qui nous occupe, de la rédaction des livres dépositaires de l’enseignement de Çâkya. Ces détails manifestement conservés par la tradition nous apprennent qu’il y eut, à trois époques diverses, trois rédactions successives des écritures buddhiques, rédactions faites par des Religieux rassemblés en concile, et investis à ce qu’il semble, par l’assentiment public, de l’autorité nécessaire pour cette œuvre capitale. La première rédaction eut lieu immédiatement après la mort de Çâkyamuni, non loin de Râdjagrĭha, par les soins de cinq cents Religieux qui avaient pour chef Kâçyapa[1]. La tâche de rassembler les paroles du Maître fut répartie entre trois de ses principaux disciples, dont on voit les noms figurer à tout instant dans les légendes. Ce fut Kâçyapa qui rédigea l’Abbhidharma ou la métaphysique ; Ânanda compila les Sûtras, et Upâli le Vinaya[2]. La seconde rédaction des livres sacrés eut lieu cent dix ans après la mort de Çâkya, au temps d’Açôka, qui régnait à Pâtaliputtra. La discorde s’était introduite entre les Religieux de Vâiçâlî, et sept cents Arhats sentirent la nécessité de se réunir pour rédiger de nouveau les écritures canoniques[3]. Enfin, un peu plus de quatre cents ans après Çâkya, au temps de Kanichka, que l’on dit avoir été roi dans le nord de l’Inde, les Buddhistes s’étaient séparés en dix-huit sectes qui se groupaient sous quatre grandes divisions principales, et dont Csoma nous a conservé les noms. Ces discordes donnèrent lieu à une nouvelle compilation des écritures, qui fut la troisième et la dernière de celles dont parlent les Tibétains[4].

Quelque brefs que soient ces détails, quelques difficultés qu’ils fassent même naître, si on les compare à ceux que nous ont conservés les Singhalais sur des événements analogues, ils sont déjà, pris en eux-mêmes, féconds en conséquences précieuses pour l’histoire de la collection buddhique du Nord. On en doit conclure d’abord que des trois rédactions dont la tradition nous a conservé le souvenir, nous ne possédons que la dernière ; ou pour m’exprimer avec une réserve indispensable, vu le silence des écrivains buddhiques, on peut dire que

  1. Csoma, Analys. of the Dul-va, dans Asiat. Res., t. XX, p. 41, 91 et 297.
  2. Id., ibid., p. 42, 91 et 297.
  3. Id., ibid., p. 92 et 297.
  4. Id., ibid., p. 41 et 298.