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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

commentateur s’exprime ainsi : « Les Tâmraparṇîyas font de la substance du cœur (Hrĭdaya) l’asile de la connaissance et de l’intellect, Manas[1]. » Ailleurs il se sert de cette expression remarquable : « Le texte dit dans tous les autres livres, cela veut dire les livres des Tâmraparṇîyas et autres[2] ; » d’où je conclus que les recueils (Nikâyas) de Ceylan étaient connus des Buddhistes du Nord, et qu’ils avaient assez d’importance à leurs yeux pour être cités les premiers, lorsqu’il s’agissait de désigner collectivement les ouvrages buddhiques autres que ceux dont l’autorité était admise dans l’Inde.

Quant aux Vâtsîputtrîyas, qui se représentent souvent dans cet ouvrage, et qui y sont d’ordinaire réfutés, c’est un nom aussi intéressant pour l’histoire du Buddhisme que ceux que j’ai cités précédemment. Je ne doute pas que ce ne soient les Religieux formant la troisième subdivision de l’école qui reconnaissait primitivement Upâli pour son fondateur[3]. Ce sont sans contredit les mêmes que les sectaires nommés par les Chinois Pho thso fou lo, et sur lesquels Klaproth a inséré dans le Foe koue ki une note malheureusement peu claire[4]. Ce nom, suivant les Chinois, signifie veau et est devenu celui d’une famille ; cela est parfaitement exact, et le patronymique Vâtsîputtrîya a bien réellement pour origine le mot vatsa (veau). Klaproth fait de ce titre une classe de livres où l’on soutient l’existence du moi, contrairement à l’opinion du plus grand nombre des écoles buddhiques. Au reste, le commentateur de l’Abhidharma kôça parle des Vâtsîputtrîyas comme de personnages parfaitement connus de son temps[5]. Il en est même un où il semble les assimiler en partie aux Madhyamikas, c’est-à-dire aux philosophes qui suivent le système Madhyamika, lequel doit son origine à Nâgârdjuna. Dans le passage auquel je fais allusion, après avoir parlé d’une opinion attribuée à quelques Vâtsîputtrîyas, il ajoute : « Cela signifie ceux qui ont les idées des Madhyamikas[6]. » Il y avait donc des Vâtsîputtrîyas qui suivaient l’école des Madhyamikas.

Au reste, nous n’avons pas besoin de ce passage pour nous convaincre que notre auteur connaissait Nâgârdjuna, car c’est manifestement lui qu’il désigne sous le nom du Sthavira Nâgasêna dont il critique durement l’opinion en un endroit[7]. Nous verrons, en parlant de la collection singhalaise, que Nâgasêna est célèbre chez les Buddhistes du Sud ; et Benfey a déjà conjecturé justement,

  1. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 28 b de mon manuscrit ; f. 32 b, man. Soc. Asiat..
  2. Ibid., f. 474 a de mon manuscrit.
  3. Csoma, Notices on the life of Shakya, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 298.
  4. Foe koue ki, p. 326.
  5. Abhidharma kôçavyâkhyâ, f. 56 b, 311 b, 470 b, 471 a, 476 b, 477 a de mon manuscrit.
  6. Ibid., f. 477 a de mon manuscrit.
  7. Ibid., f. 475 b de mon manuscrit.