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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

comme l’indique son litre, le commentaire d’un ouvrage plus ancien dont le titre est Abhidharma kôça, « Le trésor de la loi supérieure ou de la métaphysique, » et l’auteur, Vasubandhu. Cet ouvrage, qui se compose de quatre cent quatre-vingt-quatre feuillets, ou neuf cent soixante-huit pages in-folio, doit avoir joui d’une autorité considérable parmi les Religieux buddhistes ; car il passe pour le résumé d’un grand nombre de gloses sur la métaphysique, et son auteur, Vasubandhu, y reçoit le titre fastueux de « Sage semblable à un second Buddha. » Le rédacteur du commentaire se nomme Yaçômitra ; et le commentaire même a le titre de Sphuṭârtha, « Celui dont le sens est clair. »

Les observations les plus générales entre celles que m’a suggérées l’examen de ce volumineux traité embrassent trois points principaux. Le premier concerne la rédaction et le système du commentateur ; le second, les indications qu’il donne sur d’autres ouvrages, indépendamment du sujet qu’il traite ; le troisième porte sur le sujet lui-même. En ce qui touche la rédaction et le système du commentateur, il faut reconnaître qu’il appartient à la bonne école des glossateurs indiens. Yaçômitra possédait certainement toutes les ressources de la langue sanscrite, et il en a fait un excellent usage pour l’explication du texte primitif. Sa glose est à la fois grammaticale et philosophique. Il suit, pour la grammaire, l’école de Pâṇini ; et quant au système philosophique, il développe les opinions exposées ou seulement indiquées dans ceux des livres canoniques qu’on nomme Sûtras. De là vient la qualité de Sâutrântika ou philosophe de l’école des Sûtras, qu’il prend dans un grand nombre de passages. Sous ce rapport, les indications que renferme ce commentaire sont aussi nombreuses que variées, et on y rencontre presque à chaque page des fragments plus ou moins étendus de ces traités, dont plusieurs se retrouvent dans les volumes que nous possédons à Paris. L’examen d’un tel livre met à mes yeux l’authenticité des Sûtras à l’abri de toute contestation ; et il rend à la littérature sacrée des Buddhistes un service du même genre que celui que les commentaires philosophiques des Brâhmanes rendent aux Vêdas, qu’ils citent à tout instant.

Yaçômitra admet la division des écritures buddhiques en trois grandes classes dont la réunion se nomme Tripiṭaka, « les trois corbeilles. » J’ai parlé plus haut de cette division, et j’ai également indiqué l’existence de la tradition relative aux quatre-vingt-quatre mille textes de la Loi, d’après un passage emprunté à l’ouvrage même que j’examine en ce moment[1]. Il expose d’une manière aussi détaillée qu’intéressante les sources diverses de l’Abhidharma, et fait voir que le travail qui a extrait de la prédication de Çâkyamuni tous les passages relatifs à la

  1. Ci-dessus, sect. I, p. 30.