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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

dans cet ouvrage ne doit sans doute pas être attribué à Nâgârdjuna, car je trouve le nom de Çâkyamitra à la fin d’un chapitre[1]. Peut-être aussi ce dernier nom n’est-il qu’un titre de Nâgârdjuna. La lumière qu’un tel traité peut jeter sur les autres monuments de la littérature buddhique est, on le comprend, très-faible. Le seul renseignement que j’y trouve est une citation du Lalita vistara, avec son titre de Mahâyâna sûtra[2]. Quant au commentaire, qui est très-bref et qui ne s’étend pas à la totalité de l’ouvrage, il a pour auteur le Paṇḍita Parahita rakchita.

La collection du Népâl nous offre encore d’autres traces de la part qu’a prise Nâgârdjuna au développement de la littérature philosophique des Buddhistes. Ainsi nous avons dans un des volumes de cette collection la preuve positive qu’il a composé des ouvrages de métaphysique, et même que ces ouvrages ont acquis assez d’autorité pour devenir l’objet des travaux des commentateurs. Je veux parler d’un volume appartenant aujourd’hui à la Bibliothèque royale, et portant le titre de Vinaya patra sur la première feuille, et celui de Vinaya sûtra dans la liste des livres découverts et recueillis par M. Hodgson[3]. Mais aucun de ces titres ne se retrouve dans l’ouvrage même ; le seul que je rencontre à la fin des chapitres est Madhyamaka vrĭtti, ou Explication de la doctrine Madhyamaka ou Madhyamika, ouvrage composé par l’Âtchârya Tchandra kîrti. Quelques lignes d’introduction nous apprennent que le Madhyamaka vrĭtti est un commentaire qui porte sur des Kârikâs ou axiomes mémoriaux dont l’auteur est Nâgârdjuna. C’est très-probablement à ces Kârikâs que s’applique le nom de Vinaya sûtra ou Vinaya patra, qui est resté à notre volume, malgré le témoignage du manuscrit lui-même. Ce traité confirme l’opinion des Tibétains sur l’école dite Madhyamika, école dont ils rapportent l’origine à l’Arya Çrî Nâgârdjuna ; car le commentateur des Kârikâs, après avoir annoncé que ces axiomes sont de Nâgârdjuna, ajoute qu’ils appartiennent à l’école Madhyamika. Il est même vraisemblable que nous avons ici l’ouvrage original, ou au moins l’un des traités principaux de Nâgârdjuna ; car Csoma nous apprend qu’au rapport des Tibétains, Tchandra kîrti, dont il ne dit d’ailleurs rien de plus, a écrit un commentaire sur le livre principal de Nâgârdjuna[4]. Or comme notre manuscrit renferme des axiomes de Nâgârdjuna, expliqués par Tchandra kîrti dans un ouvrage qui a la forme d’un commentaire perpétuel, nous avons toute raison de croire que c’est là le traité, ou si l’on veut, un traité analogue à celui que signale la tradition tibétaine.

  1. Pañtcha krama, f. 26 a.
  2. Pañtcha krama, f. 23 b.
  3. Notices, etc., dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 431.
  4. Notices of diff. Systems of Buddhism, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 144.