Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
485
DU BUDDHISME INDIEN.

tion ; et la vue que j’ai des Enfers, ô Bhagavat, je l’ai de même des douleurs de l’Enfer.

C’est, ô Bhagavat, comme si un homme endormi venait, au milieu d’un songe, à se croire tombé dans l’Enfer ; qu’il s’y crût jeté dans cette chaudière de fer, brûlante, remplie d’hommes, dont on parle tant ; qu’il y éprouvât une sensation de douleur cruelle, cuisante, aiguë ; qu’il y éprouvât une défaillance complète du cœur ; qu’il eût peur ; qu’il ressentît de l’effroi. Qu’alors il s’écrie, comme s’il était éveillé : Ah ! quelle douleur ! ah ! quelle douleur ! qu’il pleure, qu’il se lamente. Qu’en ce moment ses amis, ses parents, ses connaissances, lui demandent : D’où te vient la douleur que tu éprouves ? Mais qu’il réponde à ses amis et à ses parents : J’éprouve les douleurs de l’Enfer ; qu’il se mette en colère contre eux, qu’il les injurie : Je souffre les douleurs de l’Enfer, et vous à votre tour vous me demandez : D’où te vient la douleur que tu éprouves ? Qu’alors ses amis, ses parents et ses connaissances parlent ainsi à cet homme : N’aie pas peur, n’aie pas peur, ô homme, car tu es endormi, tu n’es pas sorti de ta maison. Qu’alors la raison lui revienne : Oui, je me suis endormi ; ce que je m’imagine ressentir n’a pas de réalité ; et qu’ainsi il retrouve le repos.

De la même manière, ô Bhagavat, que cet homme endormi, ayant un songe, se croirait, par une fausse imagination, tombé dans l’Enfer, de même, ô Bhagavat, tous les hommes ignorants, enchaînés par la croyance à ce qui n’existe réellement pas, se représentent comme existante la personne qu’on nomme femme ; ils se sentent jouissant avec elle. L’homme vulgaire fait cette réflexion : Je suis un homme, et voici une femme ; cette femme est la mienne. C’est ainsi qu’enchaînés aux fausses imaginations du désir et de la passion, ils se représentent comme existante la condition de femme ; [le texte répète la phrase précédente jusqu’à : cette femme est la mienne.] L’esprit de l’homme étant ainsi obsédé par le désir et par la passion, sa pensée roule dans les illusions de la jouissance. Il en retire comme conséquence les disputes, les dissensions et les querelles ; ses organes se faussent, et la haine naît en lui. Avec cette fausse imagination que lui donnent ces idées, l’homme se croyant mort, se figure qu’il éprouve de la douleur dans les Enfers pendant plusieurs milliers de Kalpas. De même, ô Bhagavat, que les amis, les parents et les connaissances de l’homme [endormi] lui disent : N’aie pas peur, n’aie pas peur, ô homme, tu es endormi, tu n’es pas sorti de ta maison, de même, ô Bhagavat, les Buddhas bienheureux enseignent ainsi la Loi aux créatures troublées par les quatre espèces de fausses imaginations. Il n’y a ici, [leur disent-ils,] ni hommes, ni femmes, ni créatures, ni vie, ni esprit, ni personne ; toutes ces conditions n’ont aucune réalité ; toutes ces conditions sont