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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

presque tous les textes sanscrits du Népâl sont uniques. Mais je dirai qu’en elles-mêmes, et par cela seul que ce sont des traductions, les versions tibétaines, mongoles chinoises et barmanes doivent, dans bien des cas, servir heureusement à l’intelligence des originaux sanscrits ou pâlis qu’elles reproduisent.

La différence seule des idiomes dans lesquels ces versions sont rédigées fournit au lecteur européen des moyens inattendus d’interprétation, qu’il lui serait d’ordinaire bien difficile de découvrir par l’étude isolée du texte original. Et pour n’en citer qu’un exemple, le génie plus ou moins métaphorique de la langue dans laquelle s’est exprimé le traducteur, qu’il soit Chinois, Tibétain ou Mongol, a dû le forcer de prendre un parti décisif sur certaines expressions purement indiennes quant au fond et quant à la forme, pour lesquelles sa langue maternelle ne lui offrait que des équivalents incomplets ou ne lui en offrait pas du tout. Or, comme il fallait traduire, on doit croire que les interprètes ont sacrifié la forme au sens, et qu’ils ont fait tous leurs efforts afin de rendre l’un, même aux dépens de l’autre. Maintenant, si une de ces expressions purement indiennes se présente dans un texte sanscrit du Népâl ; si aucun dictionnaire, si aucune analogie philologique n’aide à en faire soupçonner le sens, ne devra-t-on pas s’attendre à trouver dans la version chinoise, tibétaine ou mongole de ce texte, le moyen de l’interpréter ? Ces cas d’une obscurité profonde sont du reste assez rares, et je puis assurer qu’il n’y a rien, dans toute la littérature sanscrite, d’aussi facile à entendre que les textes du Népâl, sauf quelques termes dont les Buddhistes ont fait une application toute spéciale ; je n’en donnerai d’autre preuve que le nombre considérable de ces textes qu’il m’a été possible de lire dans un temps assez limité. Toutefois, il faut aussi en convenir, en supposant ces livres aussi difficiles qu’ils le sont peu, il est possible que les interprètes étrangers aient été assez bien servis par leur amour de l’exactitude pour découvrir et pour employer une expression aussi obscure dans leur propre langue que l’est celle du texte sanscrit. La version alors nous sera d’autant moins utile, qu’elle sera plus fidèle, tout de même que son importance, aux yeux d’un lecteur européen, croîtra généralement en raison de la liberté avec laquelle le traducteur aura traité l’original. Mais on n’a pas besoin d’exagérer la difficulté des textes pour rehausser la valeur des versions qu’en ont faites les Tibétains, les Chinois et les Mongols ; ces versions auront toujours en elles-mêmes une valeur incontestable comme moyen d’interpréter les textes même les moins difficiles.

Après ces observations, qu’il me suffit d’indiquer sommairement, je serai plus libre d’avancer que, dans mon opinion, les véritables sources auxquelles on doit puiser la connaissance du Buddhisme indien, les sources originales et les plus pures sont les textes sanscrits du Népâl, et comme je le dirai plus tard, les