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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

port avec le monde extérieur, étendent et développent la connaissance, ou même l’étendent en quelque sorte lui-même dans chacune des sensations qu’il perçoit. Les Chadâyatanas sont donc les six siéges des qualités sensibles, ou autrement les six sens, savoir la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et le sens interne ou Manas[1].

Mais ce nom de âyatana ne s’applique pas seulement à l’œil et aux autres sens, y compris l’organe interne, sens qui sont nommés collectivement Adhyâtmika âyatana, « siéges intérieurs » on le donne encore, d’après le commentateur précité, à la forme et aux autres attributs sensibles, y compris le Dharma, la loi, le mérite, ou l’être, attributs qui sont nommés collectivement Bâhya âyatana, « siéges extérieurs[2]. » D’où il résulte que le mot âyatana désigne les cinq organes des sens, y compris l’organe interne, et les cinq qualités sensibles, y compris la Loi que l’organe interne seul peut saisir. Quant à la manière dont les sens mettent l’esprit en communication avec les objets extérieurs, il y a parmi les Buddhistes deux opinions opposées. Les uns croient que l’esprit ne saisit qu’une image, qu’une représentation de l’objet ; les autres croient à la perception directe de l’objet. Ces derniers s’autorisent du passage suivant d’un Sûtra que cite un commentateur : « Voyant les formes à l’aide de l’œil, il ne saisit pas une représentation secondaire ; et parce que c’est l’œil qui voit, la personne (Pudgala) voit par l’œil[3]. » Les six siéges des qualités sensibles ou les sens[4] ont pour cause le nom et la forme qui les précèdent immédiatement dans l’évolution.

Le nom et la forme, Nâmarûpa, sont la neuvième cause ; c’est une expression composée comme Djarâmarana, la décrépitude et la mort. Le texte cité par M. Hodgson définit cette condition : « les notions individuelles, » sur quoi le commentateur ajoute : « C’est un corps organisé et défini, mais qui n’est « encore qu’un archétype, et qui est le siége de la conscience individuelle[5], » dont il sera parlé tout à l’heure. Les autorités brahmaniques alléguées par Colebrooke s’expriment ainsi : « De la réunion du sentiment ou de la conscience

  1. Les Tibétains traduisent Chadâyatana par Skye-mtchhed, « les sens. »
  2. Abhidharma, etc., f. 48 b, man. Soc. Asiat.
  3. Abhidharma, etc., f. 67 b, man. Soc. Asiat.
  4. Voici la note de M. Goldstuecker sur les Âyatanas : « D’après le commentateur, les six siéges n’expriment pas seulement les six organes de l’homme, mais aussi la forme et les autres attributs sensibles. Cette application me prouve encore davantage que Sparça, Vêdanâ et toutes les notions précédentes sont les attributs de tous les êtres ; car si elles n’étaient que les attributs de l’homme ou des êtres animés, il serait difficile d’entendre pourquoi les six siéges embrasseraient aussi la forme, etc., attributs qui maintenant peuvent, à l’aide d’une métaphore, passer pour les organes par lesquels la nature inorganique est susceptible de sensibilité et d’irritabilité. »
  5. Quotations, etc., dans Journ., etc., t. V, p. 78.