Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/487

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
445
DU BUDDHISME INDIEN.

qui ne commence qu’à la conception. Cela est si vrai que la sensation paraîtra au nombre des cinq Skandhas ou attributs qu’agrège la naissance ; d’où il suit qu’il y a deux sensations ou sensibilités, l’une de l’être idéal avant sa naissance, l’autre de l’être réel depuis qu’il est né. Cela posé, nous pouvons passer à la cause de la sensation[1], c’est-à-dire au contact.

Cette cause est la septième ; elle se nomme Sparça, le toucher, le contact. Suivant le commentaire cité par M. Hodgson, le contact a lieu « lorsque le principe pensant doué d’un corps sous la forme d’archétype vient à s’exercer sur les propriétés des choses[2] » Colebrooke donne une définition à peu près pareille d’après des autorités brâhmaniques : « C’est le sentiment du chaud et du froid éprouvé par l’embryon ou l’être doué d’un corps[3]. » Je n’ai pas besoin d’insister sur cette cause, dont le rapport avec la sensation qui en est l’effet est si facile à saisir. Il faut seulement remarquer que cette théorie rapporte à l’évolution du corps archétype un fait que l’observation directe ne nous montre que dans le corps matériel déjà formé[4]. La cause du contact est la réunion des Chaḍâyatanas, qui est placée immédiatement au-dessus.

Ces Chaḍâyatanas sont donc la huitième cause en remontant ; ce sont les six places ou siéges des qualités sensibles et des sens. Le texte cité par M. Hodgson les définit ainsi : « Les six siéges ou objets extérieurs des sens, » et d’après un commentateur : « Les six propriétés, qui peuvent être senties et connues, des objets naturels, moraux et physiques[5]. L’explication empruntée par Colebrooke aux commentateurs brâhmaniques est moins claire : « Les siéges des six organes ou les places des sens qui sont formées du sentiment, des éléments tels que la terre, etc., du nom et « de la forme, ou du corps, en relation avec celui dont ils sont les organes[6]. » Le commentateur de l’Abhidharma donne du mot âyatana (place) une explication qui, grammaticalement parlant, est fausse, mais qu’il importe de rapporter ici, pour faire comprendre ce que les Buddhistes entendent par ce terme : « C’est ce qui étend (tan-ôti) la production ou la naissance (ây-us) de l’esprit et des pensées[7]. » Les sens, en effet, en mettant l’esprit en rap-

  1. M. Goldstuecker définit ainsi ce terme : « La Vêdanâ est l’irritabilité, qui, prise au propre, ne s’applique qu’aux êtres animés et organiques, mais qui paraît ici dans un sens analogue, quoique plus large. »
  2. Quotations, etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 78.
  3. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.
  4. Suivant M. Goldstuecker, qui est conséquent à son système d’explications, « le terme Sparça désigne la sensibilité également étendue à toute la nature, à tous les êtres indistinctement. »
  5. Quotations, etc.. dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 78, note.
  6. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396.
  7. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 32 b de mon manuscrit.