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DU BUDDHISME INDIEN.

l’effort ou l’exertion du corps ou de la voix[1] ; » mais j’ignore sur quoi repose cette définition qui n’offre qu’un vague souvenir du sens d’Upâdâna (prise, acception).

Quoi qu’il en soit, le Buddhiste chinois extrait par Klaproth se contente de représenter ce mot par prise, et en fait un accident de l’existence de l’homme de vingt ans, qui se précipite avec ardeur pour s’emparer de l’objet de sa passion[2]. Je ne puis croire qu’il s’agisse ici de l’homme fait, et je suppose que le Buddhiste chinois aura cité comme exemple « de la prise, de l’attachement, » l’ardeur du jeune homme vers les objets de son désir. Je préfère donc le sens de conception, et je pense qu’il s’agit ici de l’évolution de l’être qui passe par la conception pour arriver à l’existence. Cette notion se lie mieux avec les conditions qui suivent, tout de même qu’elle résulte assez bien de la condition d’où elle sort. Seulement, comme la conception est un acte dans lequel l’être conçu est jusqu’à un certain point passif, il me paraît qu’il faut, pour bien juger de toute la force du mot Upâdâna, accorder à l’être passant par cette phase qui précède l’existence un certain degré d’activité, qui est exprimé par le terme original de caption, une activité qui lui fait prendre pour lui, qui lui fait saisir les cinq attributs de la forme, de la sensation, de l’idée, des concepts et de la connaissance, lesquels, unis aux cinq sens et aux éléments grossiers dont se compose le corps, marquent son apparition dans une des six voies de l’existence.

Ce qui me confirme dans cette idée, c’est que le mot Upâdâna a, outre l’acception spéciale que nous étudions, un sens tout moral, celui d’attachement, adhérence, sens qui figure dans ces cinq termes : Kâm-upâdâna, « l’attachement au plaisir ; » Diṭṭh-upâdâna, « l’attachement aux fausses doctrines ; » Çîlappat-upâdâna, " l’attachement contraire ou négatif quant à la morale ; » Atthavâd-upâdâna, « l’attachement à la dispute[3]. » Je ne cache pas que ces termes sont empruntés au pâli, c’est-à-dire au Buddhisme du Sud, et qu’on peut contester la justesse de l’application que j’en fais ici aux textes sanscrits du Nord. Mais je prie le lecteur d’admettre pour un instant, ce qui sera amplement prouvé plus tard, savoir qu’en fait de termes philosophiques et en ce qui touche la valeur de ces termes, le pâli sert autant à l’interprétation des textes sanscrits du Népâl que le sanscrit à celle des livres pâlis de Ceylan[4]. J’ajoute ici, pour terminer, un

  1. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 396. Ce sens paraît trop limité.
  2. Foe koue ki, p. 288, note.
  3. Judson, Burman Dict., p. 45. Je ne suis pas sûr du sens du troisième terme ; pour que ma traduction fût certaine, il faudrait que le mot original fût Çîlappalchtipâdâna, pour le sanscrit çîla-prati-upâdâna.
  4. Je place ici, avant de finir, l’explication de M. Goldstuecker : « L’Upâdâna ou les Upâdâna skandhas sont la cause de l’existence virtuelle ou embryonique, mais embryonique, je crois, dans