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DU BUDDHISME INDIEN.

destruction, un Kalpa de la reproduction, un Kalpa de la destruction et de la reproduction, plusieurs Kalpas de la destruction et de la reproduction, tel est le nombre des existences qu’il se rappela[1]. J’étais dans cet endroit, j’avais un tel nom, j’étais d’un tel lignage, j’étais d’une telle famille, d’une telle caste ; ma vie dura tant de temps ; je restai tant de temps dans le monde ; j’éprouvai tel bonheur et tel malheur ; après être sorti de cette existence, je naquis de nouveau en un tel lieu ; après être sorti de cette existence, je naquis de nouveau en un tel endroit ; enfin, étant sorti de ce dernier endroit, je suis né ici. C’est de cette manière qu’il se rappela l’ensemble de ses anciennes habitations et de celles de toutes les créatures, chacune avec son caractère et sa description[2].

Alors le Bôdhisattva, avec sa pensée recueillie, parfaite, complètement pure, lumineuse, exempte de souillures, débarrassée de toute imperfection, se reposant dans la facilité de son action et arrivée à l’immobilité[3], le Bôdhisattva, dis-je, à la dernière veille de la nuit, au temps où l’aurore va poindre, au moment où le sommeil est le plus profond, et où il est si difficile de se réveiller, recueillit son intelligence et la ramena en lui-même par la contemplation directe de la science, à l’aide de la vue de la connaissance qui détruit toute imperfection. Puis cette pensée se présenta à son esprit : C’est certainement un mal que l’existence de ce monde, qui naît, vieillit, meurt, tombe et renaît encore. Mais il ne put reconnaître le moyen de sortir de ce monde qui n’est qu’une grande accumulation de douleurs. Hélas ! se disait-il, il n’existe pas de terme à cette grande accumulation de douleurs qui ne se compose que de décrépitude, de maladies, de mort et d’autres misères, qui en est tout entière formée.

Cette réflexion lui amena la pensée suivante à l’esprit : Quelle est la chose qui existant donne lieu à la décrépitude et à la mort ; et quelle cause ont la décrépitude et la mort ? Cette réflexion lui vint à l’esprit : La naissance (Djâti) existant, la décrépitude et la mort existent ; car la décrépitude et la mort ont pour cause la naissance

Ensuite cette autre réflexion vint à l’esprit du Bôdhisattva : Quelle est la chose qui existant donne lieu à la naissance, et quelle cause a la naissance ? Cette réflexion lui vint alors à l’esprit : L’existence ou l’être (Bhava) étant, la naissance existe ; car la naissance a pour cause l’existence.

  1. Pour l’explication de ces termes, « Kalpa ou âge de la reproduction et de la destruction, » qui désignent les diverses périodes de la naissance et de l’anéantissement du monde visible, voyez Turnour, Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 699.
  2. Ce passage se retrouve presque mot pour mot dans les livres pâlis des Buddhistes du Sud ; il a été traduit par Turnour, (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 690.)
  3. Mon manuscrit n’est pas très-correct en cet endroit, et il se pourrait que je n’eusse pas saisi parfaitement la signification spéciale de la cinquième des épithètes qui caractérisent la pensée du Bôdhisattva ; je n’ai cependant rien omis.