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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

char, ô Bhagavat, triomphant du monde formé de la réunion des Dêvas, des hommes et des Asuras, sortira [des trois mondes]. Ce char est grand par sa ressemblance avec l’espace. De même que dans l’espace il y a de la place pour des créatures immenses, sans nombre et sans mesure, de même il y a dans ce char de la place pour des êtres immenses, sans nombre et sans mesure. C’est de cette manière qu’est le grand char des Bôdhisattvas. Et on n’en voit pas l’arrivée, et on n’en voit pas davantage le départ, et on n’en connaît pas plus la station. C’est ainsi qu’on n’aperçoit pas, ô Bhagavat, la partie antérieure de ce grand char, pas plus qu’on n’en aperçoit la partie postérieure ni le milieu. Il est égal aux trois époques de la durée, ô Bhagavat ; c’est pourquoi il est appelé un grand char.

Alors Bhagavat témoigna ainsi son assentiment à Subhûti : Bien, bien, Subhûti ; c’est cela, Subhûti, c’est cela même. C’est ainsi qu’est ce grand char des Bôdhisattvas. Les Bôdhisattvas qui ont appris cela ont acquis, acquièrent, acquerront la Perfection de la sagesse.

Alors Pûrṇa, fils de Mâitrâyanî, parla ainsi à Bhagavat : Subhûti le Sthavira, qui, grâce à la bénédiction qu’il a reçue, a étudié pour obtenir la Perfection de la sagesse, pense que le grand char doit être montré. Alors Subhûti parla ainsi à Bhagavat : Je ne crois pas, ô Bhagavat, avoir parlé du grand char contrairement à la Perfection de la sagesse. Bhagavat répondit : Non, certes, Subhûti ; c’est régulièrement que tu définis le grand char, d’accord avec la Perfection de la sagesse.

Cela dit, Subhûti parla ainsi à Bhagavat : C’est par la faveur du Buddha, ô Bhagavat. Il y a plus, le Bôdhisattva ne conçoit pas par le commencement, non plus que par la fin, ni par le milieu. Pourquoi cela ? C’est qu’il ne conçoit pas. Comme la forme n’a pas de limites, le Bôdhisattva doit être reconnu comme quelque chose d’illimité. De même, comme la sensation, l’idée, les concepts, la connaissance n’ont pas de limites, le Bôdhisattva doit être reconnu comme quelque chose d’illimité. Il ne conçoit pas ceci : Le Bôdhisattva est la forme, car cela même n’est pas, n’existe pas. De même il ne conçoit pas plus ceci : Le Bôdhisattva est la sensation, l’idée, les concepts, la connaissance, car cela même n’est pas, n’existe pas. C’est ainsi, ô Bhagavat, que ne rencontrant en aucune manière, nullement, absolument pas de condition[1] de Bôdhisattva, je ne reconnais pas d’être auquel s’applique ce nom de Bôdhisattva. Je ne reconnais pas, je ne vois pas de Perfection de la sagesse. Je ne reconnais pas, je ne

  1. J’ai déjà averti que le mot que je traduis par condition est dharma : je choisis à dessein condition, parce que ce mot donne une notion abstraite comme le sanscrit dharma lui-même. Mais j’ai à peine besoin de dire que les mots être, réalité, et même individu, peuvent, dans le cours de cette exposition singulière, être fort souvent substitués à celui de condition.