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DU BUDDHISME INDIEN.

semble des monuments littéraires du Buddhisme septentrional, ainsi que je l’ai fait pour les Sûtras.

J’ai dit au commencement de ce Mémoire, dans ma description générale de la collection népâlaise, que de l’aveu des commentateurs buddhistes, la section de l’Abhidharma n’avait pas été exposée directement par Çâkyamuni, mais qu’on l’avait formée après sa mort d’un certain nombre de passages philosophiques disséminés dans son enseignement. Rassemblé comme les autres parties des écritures après la mort de Çâkya, l’Abhidharma en diffère en ce qu’il ne nous offre réellement aucun ouvrage qui, quoi qu’en disent les Tibétains[1], puisse passer en entier pour la parole du dernier Buddha, tandis que les Sûtras, par leur forme, par leur étendue, et surtout par l’opinion que nous en donnent les Buddhistes eux-mêmes, se rapprochent beaucoup plus de la prédication du Maître. On comprend sans peine l’intérêt d’un renseignement de ce genre. En premier lieu, il est utile de savoir si en effet Çâkya mêlait à ses prédications, dont le caractère le plus apparent est celui d’une pure morale, l’exposition ou tout au moins l’indication des principes plus généraux par lesquels il devait résoudre les grands problèmes de l’existence de Dieu, de la nature, de l’esprit et de la matière. J’ai, quant à moi, la conviction qu’il ne sépara jamais la métaphysique de la morale, et qu’il réunit toujours dans le même enseignement ces deux parties de la philosophie antique. Mais il ne s’agit pas ici d’une démonstration à priori : il est question en ce moment de critique ; et c’est par le témoignage des textes qu’il faut constater si Çâkyamuni a été un philosophe, et comment il l’a été. Si, comme cela me paraît évident, le fondateur du Buddhisme a résolu à sa manière les questions que je signalais tout à l’heure, il est par cela seul placé à un rang plus élevé que cette foule d’ascètes aussi saints peut-être, mais moins célèbres que lui, qui se contentaient de méditer solitairement sur les vérités admises ou contestées par les diverses écoles philosophiques des Brâhmanes. Il se place immédiatement à côté de Kapila, de Patam̃djali, de Gôtama, fondateurs d’écoles philosophiques florissantes, et il ne diffère d’eux que parce que sa philosophie devint une religion. Or où trouver ces premiers essais et ces propositions fondamentales de la métaphysique de Çâkya, si ce n’est dans les livres qui passent pour avoir conservé le dépôt de sa parole, c’est-à-dire dans les Sûtras ? C’est donc aux Sûtras qu’il faut revenir ; c’est dans ces livres qu’il faut étudier les commencements de la métaphysique, tout comme nous y avons étudié les commencements de la Morale et de la Discipline.

  1. Csoma, Analys. of the Sher-chin, dans Asiat. Res., t. XX, p. 339. La doctrine contenue dans la Pradjñâ est attribuée en entier à Çâkya. Suivant les auteurs tibétains, il a exposé cette doctrine seize ans après être devenu Buddha, c’est-à-dire dans sa 51e année.