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DU BUDDHISME INDIEN.

profondes racines. Il me paraît évident qu’elle s’est superposée à un système qui lui était antérieur et qui ne la connaissait pas ; car supprimez cet Âdibuddha, le système ontologique du Buddhisme, tel que le conçoivent les naturalistes, subsiste à peu près dans son entier. Il semble que la conception d’un Âdibuddha n’ait été admise par l’école théiste que pour fournir une réponse plus péremptoire et plus populaire à une question à laquelle on trouvait que les naturalistes répondaient obscurément et imparfaitement. Quand on leur demandait : D’où viennent les êtres ? ils répondaient : Svabhâvât, « de leur nature propre. » — Et « où vont-ils après cette vie ? — Dans d’autres formes produites par l’influence irrésistible de cette même nature. — Et pour échapper à cette inévitable nécessité de la renaissance, où faut-il qu’ils aillent ? — Dans le vide. » À ces questions les théistes firent les réponses suivantes, qui, sauf les noms, sont de véritables solutions brâhmaniques : Les êtres viennent d’Âdibuddha ou de Dieu, qui les a créés plus ou moins directement ; et pour se soustraire à la fatalité de la transmigration, il faut qu’ils retournent dans le sein de Dieu[1].

Résumons maintenant ce que nous apprend M. Hodgson des deux autres écoles qu’il regarde comme plus modernes que les précédentes[2], et qui se rapprochent plus de l’école des théistes que de celle des naturalistes[3], celle des Karmikâs, ou des sectateurs de l’action, et celle des Yâtnikas ou des sectateurs de l’effort. Par action M. Hodgson entend l’action morale accompagnée de conscience (conscious moral agency), et par effort, l’action intellectuelle accompagnée de conscience (conscious intellectual agency). La naissance de ces écoles est due au besoin de combattre le quiétisme exagéré des sectes antérieures, qui enlevait à la cause première la personnalité, la providence et l’activité, et qui privait absolument l’homme de liberté[4]. Car tout en admettant les principes généraux posés par leurs adversaires, les fondateurs de ces deux écoles ont cherché à établir que l’homme peut obtenir le bonheur, ou par la culture du sens moral (ce sont les Kârmikas),ou par la bonne direction de son intelligence (ce sont les Yâtnikas)[5]. Mais, M. Hodgson l’a judicieusement remarqué, il ne faut pas croire que ces écoles aient conçu l’idée de la providence divine, ni celle du libre arbitre. Les principes généraux, base des autres sectes, que les Kârmikas et les Yâtnikas adoptaient comme leurs adversaires, étaient fondamentalement opposés à ces deux idées[6].

  1. Asiat Res., t. XVI, p. 440.
  2. Ibid., p. 439. Quotat. from Sanscr. auth., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 90.
  3. Notices on the languages, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 439.
  4. Asiat. Res., p. 439, et Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 82, note, et p. 90.
  5. Notices on the languages, etc., dans Asiat. Res., t. XVI, p. 439. Quotat., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 90.
  6. Quotations from Sanscr. author., etc., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 90.