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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Après avoir commandé à la terre réunie sous sa puissance unique, après avoir supprimé tous les combats et tous les désordres, détruit la foule de ses ennemis gonflés d’orgueil, et consolé les pauvres et les malheureux, le roi Açôka déchu vit maintenant sans éclat dans la misère. Comme la fleur ou la feuille qui se fane quand elle est coupée ou arrachée, ainsi se dessèche Açôka.

Alors le roi Açôka ayant appelé un homme qui se trouvait près de lui : Ami, lui dit-il, quoique je sois déchu de ma puissance, veuille bien, en faveur de mes anciens mérites, exécuter le dernier ordre que je donne. Prends cette moitié d’Âmalaka qui m’appartient ; rends-toi à l’ermitage de Kukkuṭa ârâma, et fais-en présent à l’Assemblée. Puis saluant en mon nom les pieds de l’Assemblée, parle-lui ainsi : Voici à quoi se réduit maintenant la richesse du monarque souverain du Djambudvîpa ; c’est là sa dernière aumône ; il faut manger ce fruit de manière que l’offrande du roi soit distribuée à toute l’Assemblée à laquelle elle s’adresse. Et il prononça ces stances :

Voici aujourd’hui ma dernière aumône ; ma royauté et ma puissance sont parties ; privé de santé, de médecins et de médicaments, je n’ai plus d’autre soutien que l’Assemblée des Âryas.

Mangez donc ce fruit de manière que ma dernière aumône soit distribuée à l’Assemblée tout entière, à laquelle mon intention est de l’offrir.

Il sera fait ainsi, répondit l’homme au roi ; et prenant cette moitié de fruit, il se rendit à l’ermitage de Kukkuṭa ârâma. Là s’étant avancé à la place d’honneur, il offrit, les mains réunies respectueusement, cette moitié de fruit à l’Assemblée, et prononça ces stances :

Celui qui, commandant à la terre réunie sous sa puissance unique, éclairait autrefois le monde, semblable au soleil, lorsqu’il est parvenu au milieu de sa course, ce roi sentant aujourd’hui sa prospérité interrompue, se voit trahi par ses œuvres ; et semblable au soleil sur la fin du jour, il est déchu de sa puissance.

Courbant la tête avec respect devant l’Assemblée, il lui fait présent de la moitié de cet Âmalaka, signe visible de l’instabilité de la fortune.

Alors l’Ancien de l’Assemblée s’adressa ainsi aux Religieux : Aujourd’hui, vénérables personnages, il vous est permis d’éprouver de la douleur ; et pourquoi ? Parce que Bhagavat a dit : Le malheur d’un autre est une occasion con-

    gaire. La fin de la stance roule, si je ne me trompe, sur une comparaison empruntée à un fleuve qui remonte, arrêté par des roches détachées d’une grande montagne. Je désire que le lecteur n’en regrette pas plus que moi l’absence. J’espère du moins qu’il me pardonnera cette lacune en faveur du supplice que je me suis imposé en traduisant des manuscrits aussi incorrects.