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DU BUDDHISME INDIEN.


femmes du roi Açôka se nommait Tichya rakchitâ. La reine, [en voyant la piété du roi,] fit la réflexion suivante : Le roi prend du plaisir avec moi, et cependant il envoie à l’arbre Bôdhi ce qu’il a de plus précieux en fait de joyaux ! Elle fit venir ensuite une femme de la caste Mâtangga, et lui dit : Ne pourrais-tu pas me détruire cet arbre Bôdhi qui est pour moi une sorte de rivale ? Je le puis, reprit la femme ; mais il me faut des Kârchapana. La Mâtanggî attaqua l’arbre de ses Mantras, et y attacha un fil ; et l’arbre commença bientôt à se dessécher. Les gens du roi vinrent lui annoncer que l’arbre Bôdhi se desséchait, et ils prononcèrent cette stance :

« Cet arbre à l’ombre duquel le Tathâgata parvint à connaître le monde entier tel qu’il est, et à obtenir l’omniscience, cet arbre Bôdhi, ô roi des hommes, commence à dépérir. »

À cette nouvelle le roi, perdant connaissance, tomba à terre, mais on lui aspergea le visage avec de l’eau, et il revint à lui. Quand il eut un peu repris ses sens, il s’écria en pleurant : En voyant le tronc du roi des arbres, je croyais voir Svayam̃bhû lui-même ; mais une fois l’arbre du Seigneur détruit, ma vie elle-même s’éteindra aussi[1].

Cependant Tichya rakchitâ, voyant le roi troublé par le chagrin, lui dit : Seigneur, si l’arbre Bôdhi vient à mourir, je comblerai le roi de bonheur. Ce n’est pas une femme, dit le roi, c’est l’arbre Bôdhi [qui peut me rendre heureux], cet arbre sous lequel Bhagavat est arrivé à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Tichya rakchitâ dit donc à la Mâtanggî : Peux-tu rétablir l’arbre Bôdhi dans son premier état ? Je le puis, répondit la femme, s’il conserve encore un peu de vie. Elle détacha donc le fil [qui le serrait], creusa la terre tout autour du tronc, et l’arrosa en un jour avec mille vases de lait. Au bout de quelques jours l’arbre revint dans son premier état. Les gens du roi s’empressèrent de lui annoncer cette nouvelle : Seigneur, bonheur à toi : voici l’arbre revenu dans son premier état. Transporté de joie, Açôka, contemplant l’arbre Bôdhi, s’écria : Ce que n’ont pas fait Bimbisâra et les autres chefs des rois brillants d’éclat, je vais le faire. Je rendrai les plus grands honneurs à l’arbre Bôdhi, en le lavant avec de l’eau imprégnée de substances odorantes, et à l’Assemblée des Âryas en remplissant à son égard les devoirs de l’hospitalité pendant les cinq mois du Varcha[2]. Alors le roi ayant fait remplir d’eau de senteur mille vases faits

  1. Cette tentative de la reine contre l’arbre Bôdhi est racontée en abrégé par Fa hian (Foe koue ki, p. 294) ; elle l’est avec d’autres détails dans le Mahâvam̃sa, chap. xx, p. 122. Une tradition commune fait le fonds de ces divers récits.
  2. Le texte dit Pañtcha vârchika ; or comme le Varcha ou la saison des pluies, que les Religieux sont dans l’usage de passer chez les laïques, dure quatre ou cinq mois, je suppose que