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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


tième, d’où il enleva les reliques, pour les distribuer dans de [nouveaux] Stûpas. Il se transporta ensuite à Râma grâma ; là les Nâgas le firent descendre dans leur palais et lui dirent : Nous rendrons ici même un culte à ce Stûpa. C’est pourquoi le roi leur permit [de le garder sans qu’il fût ouvert] ; et les Nâgas transportèrent le roi hors de leur palais. Il y a une stance qui dit à cette occasion :

Le huitième Stûpa est à Râma grâma ; en ce temps-là les Nâgas pleins de foi le gardaient. Que le roi, [dirent-ils,] n’en tire pas les reliques qu’il renferme. Plein de foi, le monarque réfléchit ; et se conformant à ce qu’on lui demandait, il se retira[1].

Le roi fit fabriquer quatre-vingt-quatre mille boîtes d’or, d’argent, de cristal et de lapis-lazuli ; puis il y fit enfermer les reliques. Il donna ensuite aux Yakchas et déposa entre leurs mains quatre-vingt-quatre mille vases avec autant de bandelettes[2], les distribuant sur la terre tout entière jusqu’aux rivages de l’Océan, dans les villes inférieures, principales et moyennes, où [la fortune des habitants] s’élevait à un Kôti [de Suvarnas]. Et il fit établir, pour chacune de ces villes, un édit de la Loi.

En ce temps-là on comptait dans la ville de Takchaçilâ trente-six Kôtis [de Suvarnas]. Les citoyens dirent au roi : Accorde-nous trente-six boîtes. Le roi réfléchit qu’il ne le pouvait pas, puisque les reliques devaient être distribuées. Voici donc le moyen qu’il employa : Il faut retrancher, dit-il, trente-cinq Kôtis. Et il ajouta : Les villes qui dépasseront ce chiffre, comme celles qui ne l’atteindront pas, n’auront rien[3].

    du récit tibétain traduit par Csoma. Suivant ce dernier, le Stûpa du vase (Drôṇa stûpa) fut élevé non par Adjâtaçatru, mais par le Brahmane qui, conciliant les prétentions rivales de ceux qui voulaient s’emparer des reliques, en avait fait le partage. Ce récit doit être le véritable, car il s’accorde avec la légende des Buddhistes du Sud.

  1. Le texte est singulièrement confus ; si même on ne savait qu’on doit trouver ici une stance qui est annoncée par la formule Vakchyati hi, « en effet on dira, » la légende serait peu intelligible. Il semble, à l’emploi des mots Vistarêṇa yâvat, « en détail jusqu’à, » que nous n’en avons ici qu’un extrait. Je n’en ai pas moins cru nécessaire de traduire très-littéralement ce passage, qui est probablement tronqué ici. Le sens général de ce qui en reste s’accorde bien avec le récit de la visite que fit Açôka au roi des Nâgas ou dragons, gardien du huitième Stûpa, récit que nous a conservé le voyageur chinois Fa hian. (Foe koue ki, p. 227 sqq.) Le royaume de Lan mo du Buddhiste chinois est en effet notre Râma grâma, comme l’avait conjecturé Klaproth, sans connaître la présente légende. Il y a seulement dans la traduction du récit de Fa hian une expression que je ne comprends pas, et dont il ne se trouve pas de trace dans nos textes ; c’est celle-ci : « Lorsque le roi A yu (Açôka) sortit du siècle. » Il semble que ces mots signifient : « lorsqu’il se fit Religieux. » Mais s’il est vrai qu’Açôka se convertit au Buddhisme, il ne l’est pas qu’il ait embrassé la vie religieuse.
  2. Les bandelettes dont il est ici question étaient destinées à fixer le couvercle au corps du vase ; il n’est pas rare qu’on en trouve encore des restes dans les Stûpas.
  3. Ici encore le récit n’est pas parfaitement intelligible, outre que l’exagération des nombres le rend peu vraisemblable. En supposant que le terme de Kôṭi s’applique à la fortune des habi-