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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

Je ne puis, seigneur, me faire une idée de ta nature ; quel nom te donner, à toi dont l’essence est parfaite ?

Dis-moi donc en ce moment qui tu es, pour que je puisse connaître ta majesté, et que la connaissant, j’honore selon mes forces et comme un disciple la grandeur de tes qualités et de tes mérites.

En ce moment le Religieux reconnut que le roi devait recevoir avec faveur l’enseignement, qu’il était destiné à répandre la loi de Bhagavat, et qu’il devait faire ainsi le bien d’un grand nombre d’êtres ; et alors il lui dit, en lui développant ses qualités :

Je suis, ô roi, un fils du Buddha, de cet être plein de miséricorde, qui est affranchi des liens de toutes les souillures, et qui est le plus éloquent des hommes ; j’observe la Loi, et n’ai d’attachement pour aucune espèce d’existence.

Dompté par le Héros d’entre les hommes qui s’est dompté lui-même, calmé par ce sage qui est lui-même parvenu au comble de la quiétude, j’ai été affranchi des liens de l’existence par celui qui est délivré des grandes terreurs du monde.

Et toi, ô grand roi, ta venue a été prédite par Bhagavat, quand il a dit : Cent ans après que je serai entré dans le Nirvâṇa complet, il y aura dans la ville de Paṭaliputtra un roi nommé Açôka, roi souverain des quatre parties de la terre, roi juste, qui fera la distribution de mes reliques, et qui établira quatre-vingt-quatre mille édits de la Loi[1]. Cependant, ô roi, tu as fait construire cette demeure semblable à l’Enfer, où des milliers de créatures sont mises à mort. Il faut que tu donnes au peuple [en la détruisant] un gage de sécurité, et que tu satisfasses le désir de Bhagavat. Puis il prononça cette stance :

Donne donc, ô roi des hommes, la sécurité aux êtres qui implorent ta compassion ; satisfais le désir du Maître, et multiplie les édits qui recommandent la Loi.

Alors le roi, qui se sentait de la bienveillance pour Bhagavat, réunissant

  1. Le texte se sert du composé Dharma râdjikâ, qui ne me paraît susceptible que de ces deux sens : « monument de la Loi » ou « édit de la Loi. » Suivant la première interprétation, il serait question ici des Stûpas, dont la tradition attribue l’établissement au roi Açôka ; et cette interprétation serait confirmée par l’expression de Dharma dharâ, « contenant de la Loi, » qui paraît dans la stance suivante. Alors Râdjikâ, venant de râdj (briller), ferait allusion à l’éclat que donnait aux Stûpas le revêtement de stuc qui les couvrait. Suivant la seconde explication, râdjikâ signifierait « ordre, édit, commandement royal, » et avec dharma, « édit royal touchant la Loi ; » ce terme serait un autre nom des célèbres Dharma lipi, gravés sur des colonnes, ou de ces inscriptions morales si heureusement déchiffrées par Prinsep. Il y a dans un de ces monuments, le Lâth de Delhi, un mot encore obscur, du moins pour moi, qui pourrait bien avoir de l’analogie avec le râdjikâ de notre texte ; c’est le terme qui est écrit tantôt ladjakâ, et tantôt radjakâ. (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 578, l. 2 et 4, et p. 585, note 1.) Prinsep a traduit ce terme par dévots ou disciples, en le dérivant du sanscrit rañdj ; et il a remarqué que si la première voyelle eût été longue, il l’eût rendu par « assemblée de princes ou de rois. » Prinsep doit avoir