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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


les cheveux nattés, ni l’usage de l’argile, ni le choix des diverses espèces d’aliments, ni l’habitude de coucher sur la terre nue, ni la poussière, ni la malpropreté, ni l’attention à fuir l’abri d’un toit[1], qui sont capables de dissiper le trouble dans lequel nous jettent les désirs non satisfaits ; mais qu’un homme maître de ses sens, calme, recueilli, chaste, évitant de faire du mal à aucune créature, accomplisse la Loi, et il sera, quoique paré d’ornements, un Brâhmane, un Çramana, un Religieux. Les Brâhmanes l’entendirent et firent cette réflexion : Ce langage est conforme aux sentiments d’un Brâhmane ; et par suite il vint auprès de lui un Brâhmane d’abord, puis deux, puis trois, jusqu’à ce qu’enfin ils vinrent tous auprès de lui.

La Déesse cependant prononça une bénédiction dont l’effet fut qu’ils restaient invisibles les uns aux autres. Ensuite le respectable Sam̃gha rakchita leur enseigna le Sûtra qui est semblable à une ville[2], et récita cette stance : Que tous les êtres qui sont rassemblés ici, qu’ils soient sur la terre ou dans l’air, témoignent sans cesse de la charité aux créatures, et qu’ils accomplissent la Loi jour et nuit[3] ! Pendant qu’il prêchait cette exposition de la Loi, tous ces Brâhmanes, au moment où ils reconnurent les vérités, obtinrent les fruits de l’état d’Anâgâmin, et acquirent des facultés surnaturelles. Tous firent entendre d’une voix unanime cette exclamation : Bien parlé, respectable Sam̃gha rakchita. Le miracle qu’avait fait la Déesse à l’aide de sa puissance surnaturelle fut anéanti, et les Brâhmanes commencèrent à se voir mutuellement, et chacun dit à l’autre : Te voilà donc aussi arrivé ? — Oui, je suis venu aussi. — C’est bien. Dès qu’ils eurent vu les vérités, ils dirent : Puissions-nous entrer, ô Sam̃gha rakchita, dans la vie religieuse, sous la discipline de la Loi bien renommée ! Puissions-nous obtenir l’investiture et le rang de Religieux ! Accomplissons les devoirs de la conduite religieuse en présence de Bhagavat[4]. Le respectable Saṃgha rakchita leur dit alors : Sera-ce devant moi que vous entrerez dans la vie reli-

  1. Je traduis ainsi le terme utkuṭuka-prahâna ; il est probable que le premier est une altération du sanscrit kuṭungaka (toit), ou encore de kutûka (parasol). Le tibétain traduit ce mot par rtsog-buhi-spong, qui manque dans Csoma de Cörös ; mais rtsog (dérivé de rtseg) peut signifier étage, et rtsog-bu, « maison à étages. »
  2. Je n’ai trouvé ce Sûtra ni rien qui y ressemble dans notre collection du Népâl. Ce titre vient peut-être de ce que le fond de ce traité était une similitude ou une parabole prise d’une ville. Il y a dans le Lotus de la bonne loi une parabole où figure une caravane qui est à la recherche de la ville des Diamants.
  3. La version tibétaine introduit ici un morceau de cinq feuillets et demi, ou onze pages, qui est vraisemblablement le Sûtra intitulé dans le texte : « Semblable à une ville : » ce Sûtra est mis dans la bouche de Bhagavat.
  4. La version tibétaine insère ici un long morceau sur les devoirs et les récompenses de la vie religieuse.