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DU BUDDHISME INDIEN.


Bhagavat a dit : Il y a cinq choses, ô Religieux, que l’on ne se lasse pas de regarder : ce sont un éléphant, un Nâga, un roi, l’Océan et une haute montagne ; on ne se lasse pas non plus de voir le Buddha qui est le meilleur des Bienheureux. Il resta longtemps éveillé, occupé à regarder le grand Océan ; mais à la dernière veille de la nuit il se sentit accablé, et s’endormit d’un profond sommeil.

Les marchands de leur côté s’étant levés avant la fin de la nuit, rechargèrent leur bagage, et reprirent leur route. Le matin, quand il fit jour, ils se dirent : Où est donc l’Ârya Sam̃gha rakchita ? Quelques-uns répondirent : Il marche devant. D’autres dirent : Il vient derrière ; d’autres enfin : Il est au centre de la caravane. Tous à la fin s’écrièrent : Nous nous sommes séparés de l’Ârya Sam̃gha rakchita ; ce n’est pas une belle action que nous avons faite là ; il faut retourner sur nos pas. D’autres dirent alors : Seigneurs, l’Ârya Sam̃gha rakchita est doué de grandes facultés surnaturelles ; il a une grande puissance ; celui qui tombant au milieu de l’Océan n’est pas mort pourrait-il périr aujourd’hui ? Il est certain qu’il sera parti devant ; venez, partons. En conséquence les marchands continuèrent leur route.

Cependant le respectable Sam̃gha rakchita fut frappé le matin par les rayons du soleil qui venait de se lever, et s’étant réveillé il ne vit plus personne. Les marchands sont partis, [se dit-il en lui-même ;] puis prenant un chemin étroit, il se mit aussi en route. Il parvint dans une forêt de Çâlas, où il vit un Vihâra qui était muni de plates-formes et de siéges élevés, de balustrades, de fenêtres faites de treillage, d’œils-de-bœuf ; et il y aperçut des Religieux convenablement vêtus, paisibles et dans des postures calmes et décentes. L’Ârya se dirigea vers eux, et aussitôt ils lui dirent : Sois le bienvenu, respectable Sam̃gha rakchita. Ils lui fournirent ensuite les moyens de se délasser, et quand il fut reposé, ils le firent entrer dans le Vihâra. Là il vit un beau siége et un beau lit qui lui étaient destinés, et des aliments purement préparés, qui étaient servis. N’as-tu pas soif, n’as-tu pas faim, Sam̃gha rakchita ? lui dirent les Religieux. J’ai faim et soif, répondit l’Ârya. — Mange donc, respectable Sam̃gha rakchita. Je mangerai au milieu de l’Assemblée, reprit l’Ârya. Mange, Sam̃gha rakchita, dirent les Religieux ; [sans cela] il y aura châtiment. Il mangea donc, et quand il eut pris son repas, il se retira à l’écart, et s’y assit. Au bout de quelque temps, le son de la plaque de métal qu’on frappe pour [appeler] les Religieux s’étant fait entendre, chacun d’eux tenant son vase à la main vint s’asseoir à son rang. Et aussitôt le Vihâra s’évanouit ; à la place des vases parurent des marteaux de fer, et avec ces marteaux les Religieux se brisaient le crâne les uns aux autres en poussant des cris de douleur. Cela dura jusqu’au mo-