Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/326

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
INTRODUCTION À L’HISTOIRE


reçut de loin. De ces Nâgas le quatrième seul était respectueux, plein de déférence, et toujours prêt à remplir à l’instant ses devoirs. Lève-toi, respectable, [lui disait son maître ;] quitte la baguette à nettoyer les dents ; balaye le cercle qui environne Bhagavat, et honore le monument du Buddha ; mange, prépare ta couche.

« Au bout de quelque temps, tous les Nâgas avaient lu les recueils de commandements. Le [quatrième] Nâga dit à Sam̃gha rakchita : Ârya, ces Nâgas ont lu les recueils de commandements ; les retiendront-ils ? Comme ils ont de la mémoire, reprit l’Ârya, ils les retiendront ; cependant il y a une faute en eux. — Et quelle faute, Ârya ? — C’est que tous ils ont manqué de respect et de déférence : le premier a reçu l’enseignement les yeux fermés ; le second l’a reçu le dos tourné, et le troisième l’a reçu de loin. Toi seul tu as été respectueux, plein de déférence, et toujours prêt à remplir à l’instant tes devoirs. — Ce n’est pas, reprit le Nâga, qu’ils aient manqué de respect et de déférence. Celui qui a reçu l’enseignement les yeux fermés a le poison dans le regard. Celui qui l’a reçu le dos tourné a le poison dans le souffle. Celui qui a reçu l’enseignement de loin a le poison dans le toucher. Moi seul ai le poison dans la dent. L’Ârya effrayé devint pâle, changea de couleur, s’affaiblit, perdit l’usage de ses forces, tomba en défaillance, et s’évanouit. Le Nâga lui dit : Ô Ârya, pourquoi deviens-tu pâle ? pourquoi changes-tu de couleur, t’affaiblis-tu, perds-tu l’usage de tes forces, tombes-tu en défaillance et t’évanouis-tu ? Ô Bhadra Mukha, reprit l’Ârya, je vois que j’habite au milieu d’ennemis. S’il arrive qu’un d’entre vous se mette en colère contre un autre, il ne restera plus de moi qu’un vain nom. Nous ne ferons pas de mal à l’Ârya, répondit le Nâga ; mais est-ce que tu désires retourner dans le Djambudvîpa ? Oui, je le désire, reprit Sam̃gha rakchita. Aussitôt le vaisseau des marchands se présenta devant l’Ârya, et il y fut jeté par les Nâgas.

« Dès que les marchands l’aperçurent, ils lui dirent : Sois le bienvenu, ô Sam̃gha rakchita l’Ârya. Réjouissez-vous, amis, s’écria ce dernier, j’ai établi chez les Nâgas les quatre recueils de commandements. Nous nous en réjouissons, ô Sam̃gha rakchita, reprirent les marchands. Ayant donc mis leur vaisseau en mouvement, ils continuèrent leur voyage. Après avoir atteint au bout de quelque temps le rivage de la mer, tous les marchands se couchèrent et s’endormirent ; mais le respectable Sam̃gha rakchita se mit à contempler le grand Océan.

    l’exposition de cette légende. Le compilateur n’a pris aucun soin pour désigner avec précision les personnages du dialogue ; il les appelle tous il, exactement comme fait en France un homme qui n’a aucune éducation. Il n’est pas certain qu’au milieu de tous ces il dit je ne me sois pas égaré quelquefois. Il y a peut-être en outre quelques lacunes dans le texte.