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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

mot d’Anâgamin, qui signifie « celui qui ne doit pas revenir, » désigne un être qui n’a plus à traverser les quarante mille Kalpas, au bout duquel temps il est exempté de renaître dans le monde des désirs et est assuré de parvenir à la science parfaite[1].

Il est à remarquer que ces grandes récompenses, qui sont le fruit de l’enseignement du Buddha, sont promises pour un fabuleux avenir ; rien, autant que je le puis découvrir, n’en atteste la présence dans notre vie actuelle, à moins que ce ne soit le titre d’Ârya, qu’on donne, selon les Barmans, à ces trois premiers ordres, comme au quatrième. Il est également digne de remarque qu’elles n’accompagnent pas nécessairement le titre de Religieux, car dans tous les passages où j’ai trouvé une énumération semblable à celle que j’examine, la classe des Bhikchus est invariablement citée après les trois degrés analysés tout à l’heure. Cette observation a en elle-même une grande importance ; en effet, si ces avantages étaient assurés par l’enseignement de Çâkya à d’autres qu’à des Religieux, il faudrait reconnaître que le fondateur du Buddhisme avait constitué par ce fait seul une espèce de corps de fidèles formé de tous ceux qui, sans adopter la vie religieuse, avaient pénétré cependant jusqu’à un certain point dans la connaissance des vérités qu’il voulait établir. Je dois dire toutefois que chez l’un des peuples qui ont le plus tôt adopté le Buddhisme, les trois titres précédents sont, comme ceux qui suivent, des degrés de sainteté qui ne paraissent pas être à l’usage d’un simple fidèle. C’est ce qu’établit un passage du Mahâvam̃sa où des personnages revêtus de ces titres mêmes sont compris au nombre des Religieux dont se compose l’Assemblée[2]. De même Buddha ghosa, dans son commentaire sur le Dîgha nikâya pâli, nous apprend qu’un grand nombre de Religieux qui n’avaient encore atteint que les degrés de Sotâpanna, Sakadâgâmi et Anâgâmi, furent exclus par Kâçyapa de la première Assemblée qui s’occupa de la rédaction des écritures buddhiques[3]. C’est toutefois un point sur lequel je prends la liberté d’appeler l’attention des personnes qui ont accès aux sources diverses où l’on doit puiser la connaissance du Buddhisme moderne ; et je pose ainsi la question : les trois degrés qui précèdent celui d’Arhat sont-ils réellement, comme je crois qu’ils le sont dans les Sûtras et dans les Avadânas du Népâl, trois états promis à tout homme croyant aux paroles du Buddha et les comprenant d’une manière plus ou moins complète, ou sont-

  1. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 94.
  2. Mahâvanso, c. xxvii, p. 164, éd. 4°.
  3. Buddha ghosa, dans Turnour, Examin. of the Pâli Budd. Annals, dans Asiat. Journ. of Bengal, t. VI, p. 513. Les titres précités sont donnés ici, d’après M. Turnour, sous leur forme pâlie, qui est suffisamment reconnaissable.