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DU BOUDDHISME INDIEN.

du, que Schröter, Csoma et M. Schmidt lui-même traduisent par toujours, subsistant perpétuellement. Schröter donne même tout entière l’expression qui nous occupe et la rend ainsi : « les disciples ou les sectateurs de Çâkya[1]. » C’est, je crois, aller trop loin ; et tout en reconnaissant qu’on ne peut arriver à l’état de Çrôta âpatti qu’après avoir entendu la parole du Buddha, je n’en pense pas moins que ce titre n’est pas synonyme de celui d’Auditeur ou de Religieux. Schröter efface d’ailleurs ce qu’il y a de figuré dans ce titre ; et quand même elle serait exacte, sa version n’en serait pas moins incomplète. Georgi, plus heureux à l’égard de ce mot qu’il ne l’est d’ordinaire quand il parle de tibétain, traduit ce titre ainsi qu’il suit : « ceux qui avancent toujours[2]. » Mais les mots tibétains se prêtent à une interprétation non moins simple et plus instructive ; j’y vois le sens de : « celui qui est entré dans le courant. » C’est exactement l’interprétation des Singhalais que nous a transmise M. Turnour en ces termes : « ce titre vient de sôtâ, torrent qui coule ; c’est le premier degré de la sanctification, celui qui conduit aux autres degrés l’homme qui l’a atteint[3]. » Les Buddhistes chinois ne sont pas moins explicites, en même temps qu’ils sont plus détaillés. Suivant eux le terme de Çrôta âpanna, qui signifie entré dans le courant, désigne un être qui est sorti du courant universel des créatures pour entrer dans celui qui conduit à la délivrance. Un tel être, si j’entends bien la note si substantielle et si curieuse de M. A. Rémusat, a encore à traverser quatre-vingt mille Kalpas ou âges du monde, au bout desquels il doit renaître sept fois parmi les Dêvas et parmi les hommes, avant d’obtenir la perfection suprême de la science d’un Buddha[4]. Cette notion a toute la précision désirable ; on y voit l’accord nécessaire et des éléments dont l’expression originale se compose, et de l’application qu’on en fait dans la pratique. Elle désigne les premiers pas de l’homme vers la perfection, et le fait à l’aide d’une image simple et parfaitement intelligible ; pour arriver au port du salut, il faut que l’homme entre dans le courant qui l’y doit conduire.

Les titres qui suivent ne sont pas moins clairs, et la note précitée de M. A. Rémusat les explique d’une manière non moins satisfaisante. Celui de Sakrĭd âgâmin, qui veut dire « l’homme qui doit revenir une fois, » désigne un être qui doit franchir encore soixante mille Kalpas, pour renaître une fois parmi les Dêvas et une fois parmi les hommes, avant d’atteindre à la science absolue. Le

  1. Bhotanta Diction., p. 328, col. 1.
  2. Alphab. tibet., p. 278 ; il l’écrit cependant de cette manière fautive : rgyan duju gas pa.
  3. Turnour, Mahâvamso, Index, p. 24. Examin. of the Pâli Buddhist. Annals, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 816.
  4. Foe koue ki, p. 94. Cette note renferme d’autres détails auxquels je renvoie le lecteur.