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DU BUDDHISME INDIEN.


Dans les Sûtras et dans les légendes du Népâl, le terme de Sam̃gha n’a pas d’autre acception, et c’est également celle qu’il conserve dans la formule Buddha, Dharma, Sam̃gha, « le Buddha, la Loi, l’Assemblée, » ainsi que l’a bien fait voir M. Hodgson[1] ; les sens plus ou moins philosophiques qu’on a cherchés dans cette formule n’appartiennent certainement pas au Buddhisme primitif[2]. Le mot Sam̃gha exprime un double rapport, premièrement celui de tous les Religieux avec le Buddha, ensuite celui des Religieux entre eux. Dans le principe, le seul lien qui les rattache au Maître et les réunisse entre eux est, suivant les légendes, une soumission commune à sa parole. Du reste, sortis tous des diverses classes de la société pour se livrer à la vie religieuse, quand ils ont reçu de Çâkya la connaissance des vérités fondamentales et le titre de Religieux, ils vont vivre, les uns dans la solitude des forêts et des montagnes, les autres dans les maisons abandonnées, dans des bois auprès des villages et des villes ; et ils n’en sortent que pour se procurer en mendiant leur nourriture. J’ai cité tout à l’heure la légende de Pûrṇa, où nous voyons ce Religieux, à peine converti au Buddhisme, demander à Çâkya la permission de se retirer dans un pays barbare ; et je pourrais rapporter ici un grand nombre d’exemples semblables empruntés aux Sûtras et aux légendes. Qu’il me suffise d’en rappeler un, qui montre quelle importance Çâkyamuni attachait à la vie solitaire. Il avait, par sa prédication, attiré à lui un jeune marchand qui avait embrassé la vie religieuse, ou pour parler plus exactement qui avait pris le titre de Religieux ; mais le jeune homme n’en continuait pas moins de vivre dans la maison paternelle. Çâkyamuni lui représenta combien la vie du monde était inférieure à la retraite, dont il exalta devant lui les avantages. Les exhortations du Maître ne furent pas stériles ; le marchand quitta le monde pour aller vivre dans la solitude, où faisant de Çâkya son « ami de la vertu, » c’est-à-dire son directeur spirituel, il parvint par la connaissance complète du monde au plus haut degré de perfection[3]. On le voit, dans l’origine les disciples de Çâkya ne sont

  1. Quot. front orig. Sanscr. Author., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 37.
  2. A. Rémusat (Observ. sur trois Mém. de de Guignes, dans Nouv. Journ. Asiat., t. VII, p, 264 sqq.) et Schmidt (Mém. de l’Acad. des Sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 114. sqq.) sont les autorités à consulter pour les sens élevés qu’a pris cette formule dans les écoles relativement modernes du Buddhisme. Il y faut joindre Hodgson pour ce qui concerne le Népâl, dont la religion est traitée d’une manière approfondie dans un Mémoire spécial (Sketch of Buddhism, dans Transact. of the Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 246 et 247) ; et Benfey (Indien, p. 201), qui a pensé que la triade buddhique de Buddha, Dharma et Sam̃gha était une imitation du Brâhmanisme. Selon moi, il est tout à fait indispensable de distinguer la formule elle-même des applications plus ou moins variées qu’on en a faites. La formule me paraît être ancienne, et le sens qu’elle a eu dans le principe doit avoir été très-simple ; mais rien ne prouve que les applications ne soient pas modernes, ou tout au moins inventées après coup, à diverses époques.
  3. Avadâna çat., f. 85 et 86 b. L’expression de « ami de la vertu, » Kalyâna mitra, est une