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DU BUDDHISME INDIEN.


Religieux mendiant, et Upâsaka, dévot, sont opposés dans ce passage : « Qu’y a-t-il à faire dans l’état de mendiant ? Il faut pendant toute sa vie observer les règles de la chasteté (Brahma tcharya). — Cela n’est pas possible ; n’y a-t-il pas un autre moyen ? — Il y en a un autre, ami ; c’est d’être dévot (Upâsaka), — Que faut-il faire dans cet état ? — Il faut pendant sa vie entière s’abstenir de tout penchant au meurtre, au vol, au plaisir, au mensonge et à l’usage des liqueurs enivrantes[1]. »

Je ne me dissimule pas que M. Hodgson a, dans un Mémoire rempli d’indications précieuses[2], contesté la légitimité de la distinction qui se trouve ainsi établie entre les Bhikchus ou Religieux, et les Upâsakas ou dévots. S’appuyant sur des considérations empruntées à l’histoire des commencements de l’Église chrétienne, il ne peut admettre qu’il ait existé dès les premiers temps du Buddhisme un corps de fidèles séparé des Religieux. Je ne crois pas qu’il soit possible de rien opposer en principe aux remarques de M. Hodgson ; et s’il s’agit des premières tentatives faites par Çâkya pour avoir des disciples, je reconnais, avec cet ingénieux auteur, qu’il n’y eut originairement dans l’Inde d’autres Buddhistes que ceux qui, renonçant au monde, avaient fait vœu de suivre Çâkya et de pratiquer à son exemple les devoirs de la vie ascétique. Mais s’il en faut croire les légendes, cet état dura peu de temps ; et du moment que Câkyamuni se mit à prêcher la multitude, ceux qui, sans être ses disciples, venaient cependant l’entendre, furent des Upâsakas, c’est-à-dire des assistants. Du titre d’assistant à celui de dévot il n’y a qu’un pas ; car sans doute ces hommes et ces femmes qui étaient assis en foule auprès des disciples reconnus de Çâkya n’étaient pas en général animés de sentiments de malveillance contre le nouvel ascète. Je suis donc bien éloigné de croire que Câkyamuni ait, dès les commencements de sa prédication, constitué une Assemblée de Religieux, divisée en Bhikchus et en Upâsakas de l’un et de l’autre sexe. Loin de là, l’organisation extérieure du Buddhisme a, comme sa métaphysique, passé par des degrés nombreux, avant d’atteindre à l’état où nous la montrent arrivée les peuples que le Buddhisme a depuis longtemps convertis. Les livres du Népâl nous font même assister au progrès de cette organisation qui débute par les plus faibles commencements, puisqu’on y voit Çâkya suivi d’abord de cinq disciples, qui l’abandonnent bien vite, parce que leur maître, épuisé par de longs jeûnes, a rompu le vœu d’abstinence auquel il s’était enchaîné devant eux. Peu à peu le nombre de ses adeptes augmente ; des rois, des Brâhmanes, des marchands se joignent à eux pour entendre la parole du Maître. Ce sont là les Upâsakas,

  1. Sahasôdgata, dans Divya avad., f. 151 a.
  2. Quotat. from orig. Sanscr. Author., dans Journ. As. Soc. of Bengal, t. V, p. 33 sqq.