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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


les créatures avaient une existence de vingt mille années, il parut au monde un Tathâgata vénérable, parfaitement et complètement Buddha, nommé Kâçyapa, doué de science et de conduite, bien venu, connaissant le monde, sans supérieur, dirigeant l’homme comme un jeune taureau, précepteur des hommes et des Dieux, bienheureux, Buddha. Ce Tathâgata s’étant retiré près de la ville de Bénarès, y fixa son séjour. Pûrṇa, qui était entré sous son enseignement dans la vie religieuse, possédait les trois recueils sacrés, et remplissait auprès de l’Assemblée les devoirs de serviteur de la Loi[1]. Un jour, survint le domestique d’un certain Arhat, qui se mit à balayer le Vihâra ; mais le vent chassait les ordures de côté et d’autre. Il fit alors cette réflexion : Attendons un peu, que le vent s’apaise. Le serviteur de la Loi étant survenu, vit que le Vihâra n’était pas encore balayé. Aveuglé alors par un violent emportement, il prononça ces paroles grossières : C’est le domestique de quelque fils d’esclave. L’Arhat l’entendit et fit cette réflexion : Cet homme est aveuglé par son emportement ; attendons un peu ; je le reprendrai tout à l’heure. Quand l’emportement du serviteur de la Loi fut calmé, l’Arhat se présenta devant lui, et lui parla en ces termes : Connais-tu qui je suis ? Je te connais, répondit le serviteur de la Loi ; toi et moi nous sommes entrés dans la vie religieuse sous l’enseignement de Kâçyapa, le Buddha parfaitement accompli. Cela peut être, repartit l’Arhat. Quant à moi, j’ai rempli tous les devoirs imposés à celui qui est entré dans la vie religieuse, et je suis délivré de tous les liens ; mais toi, tu as prononcé des paroles grossières. À cause de cette faute, confesse que tu as péché, et par là cette action sera diminuée, elle sera détruite, elle sera pardonnée.

En conséquence le serviteur de la Loi confessa qu’il avait péché ; et comme il aurait dû reprendre une nouvelle existence dans l’Enfer, puis renaître en qualité de fils d’une esclave, il ne revint pas à la vie en Enfer, mais il naquit de nouveau, pendant cinq cents générations, dans le sein d’une esclave. Enfin il reparut également en ce monde, dans sa dernière existence, avec cette qualité de fils d’une femme esclave. Parce qu’il avait servi l’Assemblée, il naquit au sein d’une famille riche, fortunée, jouissant de grandes richesses ; parce qu’en la servant il avait lu, qu’il avait étudié, qu’il avait acquis de l’habileté dans la connaissance de l’accumulation [des éléments constitutifs de l’existence], il obtint le bonheur d’entrer dans la vie religieuse sous mon enseignement, et de voir face à face l’état d’Arhat, après avoir anéanti toutes les corruptions du mal. C’est ainsi, ô Religieux, qu’aux actions entièrement noires est réservée une récom-

  1. Le texte se sert de l’expression dharma vâiyâvrĭtyam karôti, que je n’ai encore vue que dans ce style ; le tibétain la rend par jal-ta-pa vyed-do. Il faut probablement entendre par là celui qui sert l’Assemblée des Religieux comme domestique du monastère.