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DU BUDDHISME INDIEN.

dant le bras droit, prononça ces paroles avec l’accent de la joie : Ah Buddha ! ah la Loi ! ah l’Assemblée ! Que votre renommée est bien répandue, pour qu’aujourd’hui un homme de cette importance, abandonnant la foule nombreuse de ses amis et de ses gens, ainsi que ses riches magasins, désire embrasser la vie religieuse sous la discipline de la Loi bien renommée, et demande l’investiture et le rang de Religieux ! Puis Anâtha piṇḍika le maître de maison, prenant avec lui Pûrṇa, se rendit au lieu où se trouvait Bhagavat.

Or, en ce moment Bhagavat, assis en présence d’une assemblée formée de plusieurs centaines de Religieux, enseignait la Loi. Il aperçut Anâtha piṇḍika le maître de maison, qui s’avançait avec le présent [qu’il lui destinait] ; et quand il l’eut vu, il s’adressa de nouveau en ces termes aux Religieux : Voici, ô Religieux, Anâtha piṇḍika le maître de maison, qui s’avance avec un présent. Il n’y a pas pour le Tathâgata de présent aussi agréable que celui qu’on lui fait en lui amenant un homme à convertir. Ensuite Anâtha piṇḍika le maître de maison ayant salué en les touchant de la tête les pieds de Bhagavat, se plaça de côté avec Pûrṇa le chef des marchands ; puis de l’endroit où il était, il s’adressa ainsi à Bhagavat : Voici Pûrṇa le chef des marchands, qui désire embrasser la vie religieuse sous la discipline de la Loi bien renommée, et qui demande l’investiture et le rang de Religieux. Veuille bien, par compassion pour lui, ô Bhagavat, l’admettre et le recevoir comme Religieux. Bhagavat accueillit par son silence les paroles d’Anâtha piṇḍika le maître de maison[1]. Puis il s’adressa ainsi à Pûrṇa le chef des marchands : Approche, ô Religieux, embrasse la vie religieuse. Bhagavat n’eut pas plutôt prononcé ces paroles, que Pûrṇa se trouva rasé, revêtu du manteau religieux, et que muni du pot aux aumônes et du vase dont l’extrémité est en bec d’oiseau, ayant une barbe et une chevelure de sept jours, il parut avec l’extérieur décent d’un Religieux qui aurait reçu l’investiture depuis cent ans. Approche, lui dit de nouveau le Tathâgata ; et Pûrṇa rasé, couvert du manteau religieux, sentant les vérités porter le calme dans tous ses sens, se tint debout, puis s’assit, avec la permission du Buddha.

Au bout de quelque temps le respectable Pûrṇa se rendit à l’endroit où se trouvait Bhagavat ; et quand il y fut arrivé, ayant salué en les touchant de la tête les pieds du bienheureux, il se tint de côté et s’adressa à lui en ces termes : Que Bhagavat consente à m’enseigner la loi en abrégé, pour qu’après l’avoir entendue ainsi de la bouche de Bhagavat, je puisse vivre seul, retiré dans un lieu

  1. Le texte se sert ici d’une expression buddhique : Adhivâsayati Bhagavân Anâthapiṇḍadasya grĭhapatês tûchṇîbhâvêna, suivant le tibétain : « Aucune parole ne fut accordée par Bhagavat au maître de maison Anâtha piṇḍika. » Cette expression n’est pas moins familière aux Buddhistes du Sud qui se servent du pâli. (Turnour, Mahâvanso, p. 6, l. 9 et pass.)