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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


ment antérieur à cette dernière limite ; mais nous ne pouvons ni affirmer, ni nier qu’il le soit à la première. Quant à la rédaction en vers, ou elle existait avant le viie siècle, ou elle n’a été composée qu’après le xiiie. Si l’on veut qu’elle ait existé avant l’an 600, il faudra reconnaître qu’elle n’avait pas assez d’autorité pour être admise dans la collection du Kali-gyur, où ont cependant pris place bien des ouvrages dont l’ancienneté peut être justement contestée. Si elle n’a été composée qu’après le xiiie siècle, il va sans dire qu’elle n’a pu être comprise dans une collection qui passe pour avoir été arrêtée en grande partie vers cette époque. J’avoue que si la présence dans le Kah-gyur d’une traduction du Karaṇḍa vyûha en prose est une preuve certaine que l’original sanscrit existait avant le xiiie siècle, et même une présomption assez forte qu’il avait été écrit avant le viie, ce fait que le Kah-gyur ne contient pas de version du Karaṇḍa poétique est pour moi une preuve positive de la postériorité de cette rédaction à l’égard de la première, et une présomption d’un grand poids en faveur de l’opinion qui tend à représenter le Karaṇḍa en vers comme plus moderne que le xiiie siècle. J’ajoute, pour terminer, que dans l’opinion de M. Hodgson[1], le Karaṇḍa vyûha est un des livres qui appartiennent en propre au Népâl. Cet auteur ne s’explique pas, il est vrai, sur la question de savoir s’il faut entendre ici l’ouvrage en prose ou l’ouvrage en vers, mais les citations qu’il en fait m’autorisent à croire qu’il a en vue le poëme. L’assertion de M. Hodgson s’accorde parfaitement avec les inductions exposées dans la discussion précédente. J’incline fortement à la regarder comme fondée ; et dès lors disparaissent les difficultés que faisaient naître et l’existence d’un livre aussi moderne parmi les sources népâlaises du Buddhisme, et l’absence d’une traduction tibétaine de ce poëme. Le Karaṇḍa vyûha en vers n’est plus un livre canonique, c’est au contraire un ouvrage rédigé hors de l’Inde, postérieurement à l’époque où le Buddhisme fut chassé de sa terre natale. J’ai cru que ce point méritait d’être discuté avec quelque attention, non à cause de la valeur du livre en lui-même, mais pour montrer à l’aide de quels indices on peut reconnaître si un ouvrage donné est ou n’est pas ancien et authentique.

Il importe maintenant de résumer en peu de mots les résultats de cette longue discussion.

Partant de la description des Sûtras, telle que la tradition nous l’a conservée et telle qu’on la peut faire d’après les deux Sûtras que j’ai traduits, comme spécimens de cette espèce de traités, j’ai cherché à établir :

1o Qu’il y a deux espèces de Sûtras qui diffèrent l’une de l’autre par la

  1. Sketch of Buddhism., dans Transact. Roy. Asiat. Soc., t. II, p. 250.