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DU BUDDHISME INDIEN.


Kâitabhas, avec les différences qui distinguent les lettres les unes des autres, enfin avec les Itihâsas qui forment un cinquième Vêda[1]. » Ce roi eut un fils nommé Çârdûla karṇa, auquel il enseigna tout ce qu’il avait appris lui-même dans une existence antérieure. Quand il le vit parfaitement habile dans toutes les cérémonies, maître des Mantras du Vêda qu’il avait lus en entier, il songea à le marier avec une jeune fille vertueuse, instruite et belle. Il y avait alors à Utkaṭâ, capitale d’un district au nord de la forêt de Triçangku, un Brâhmane nommé Puchkarasârin, qui jouissait du revenu de ce district, lequel lui avait été concédé par le roi Agnidatta. Il était d’une noble famille de Brâhmanes, et pouvait dire le nom de ses père et mère jusqu’à la septième génération. Il possédait les Mantras et avait lu les trois Vêdas avec tout ce qui en dépend, et les Itihâsas qui forment un cinquième Vêda. Ce Brâhmane avait une fille nommée Prakrĭti. Triçangku forma le dessein de la demander pour son fils Çârdûla karṇa, et il se rendit dans un bois, afin d’y attendre le Brâhmane qui devait y venir pour réciter les Mantras brâhmaniques. « Triçangku, le roi des Tchâṇḍâlas, vit bientôt le Brâhmane Puchkarasârin, qui ressemblait au soleil levant, qui brillait de splendeur comme le feu, qui était comme un sacrifice qu’entourent les Brâhmanes, comme Dakcha environné de ses filles, comme Çakra au milieu de la foule des Dêvas, comme l’Himavat avec ses plantes médicinales, comme l’Océan avec ses joyaux, comme la lune avec ses Nakchatras, comme Vâiçravaṇa parmi la troupe des Yakchas, comme Brahmâ, enfin, au milieu des Dêvas et des Dêvarchis[2]. » Il s’avança aussitôt à sa rencontre et lui dit : C’est moi, seigneur Puchkarasârin ; sois le bienvenu. Je vais te dire ce qui m’amène, écoute. À ces mots le Brâhmane Puchkarasârin répondit ainsi à Triçangku, le roi des Tchâṇḍâlas : Il ne t’est pas permis, ô Triçangku, d’employer avec un Brâhmane le salut de Seigneur. Seigneur Puchkarasârin, reprit Triçangku, je puis employer avec un Brâhmane cette espèce de salut. » Puis il demande à Puchkarasârin sa fille Prakrĭti pour le jeune Çârdûla karṇa. Le Brâhmane n’eut pas plutôt entendu cette proposition, que transporté de fureur, les sourcils froncés, le cou gonflé par la colère, les yeux hors de la tête, il répondit à Triçangku : « Hors d’ici, misérable Tchâṇḍâla.

    différences qui se remarquent entre ces trois récits, une tradition commune leur sert de base ; cette tradition, c’est que Triçangku, qui appartenait à la famille des Ikchvakides, fut privé de la dignité royale par la malédiction des Vaçichthides ou de leur père, et changé en Tchâṇḍâla. C’est également le seul point par lequel la légende buddhique se rattache au récit des Brâhmanes. Les Buddhistes ont fait de Triçangku un roi des Tchâṇḍâlas ; c’est encore là un emprunt fait à la tradition brahmanique.

  1. Divya avadâna, f. 220 b.
  2. Çârdûla karṇa, dans Divya avadâna, f. 221 b.