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XVIII
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE M. EUGÈNE BURNOUF.

exemplaire du Vendidad-Sadé offert par les Parses à M. Eugène Burnouf figure à côté du sien dans les rayons de sa bibliothèque. On peut ajouter, chose plus curieuse encore, que, dans une polémique religieuse que les Parsis de Bombay ont soutenue dans ces derniers temps contre des missionnaires protestants, on s’est servi de part et d’autre, en citant les livres de Zoroastre, de l’interprétation qu’en avait donnée le Commentaire sur le Yaçna. C’était la science du jeune philologue français qui faisait autorité pour les adorateurs d’Ormuzd[1].

Cette connaissance exacte du zend, entée sur la connaissance profonde du sanscrit, permit à M. Eugène Burnouf de faire faire quelques progrès inespérés à une étude qui était alors très-peu avancée, et qui depuis a marché à pas immenses : c’est celle des inscriptions cunéiformes. On connaissait, à cette époque, un certain nombre d’inscriptions de ce genre, copiées plus ou moins exactement par des voyageurs. Corneille Lebrun (1750), Niebuhr (1772), Schulz, W. et Gore Ouseley, Horier, Ker Porter, Witsen, etc. Ces inscriptions, qu’on avait trouvées à plusieurs centaines de lieues les unes des autres dans les ruines de Persépolis, sur les rochers de l’Alvande, l’ancien Oronte, près d’Hamadan, sur les murs du château de Vân, près d’Ecbatane, à Tarkou, étaient gravées avec le plus grand soin et d’après certaines règles uniformes qui annonçaient des monuments officiels. Quelques-unes se reproduisaient fidèlement l’une l’autre, et tout portait à croire qu’elles avaient été consacrées à rappeler quelques-uns des faits les plus importants de l’histoire de l’ancienne Perse. Mais dans quelle langue étaient-elles écrites ? et comme plusieurs étaient en trois langues, ainsi que l’attestaient trois systèmes différents de caractères, quelles étaient les trois langues dont les Grands-Rois avaient cru devoir se servir pour parler à leurs sujets et à la postérité ? Mais, avant de savoir dans quelle langue étaient écrits ces monuments, il fallait les lire. M. Grotefend, occupé de ces questions depuis le début du siècle, avait pu déchiffrer les noms de Darius, de Xerxès et d’Hystaspe ; plus tard, M. Saint-Martin, et plus exactement encore M. Rask, avaient lu celui d’Achéménès, écrit Aqâmnôsôh. M. E. Burnouf vint confirmer et agrandir tous ces renseignements ; il lut et traduisit les deux inscriptions tout entières trouvées près d’Hamadan, l’une de Darius, l’autre de Xerxès ; et il démontra que la langue de ces deux inscriptions, écrites dans le système cunéiforme appelé persépolitain, n’est pas le zend des livres de Zoroastre ; elle appartient seulement à la même souche ; elle s’en rapproche plus que du sanscrit, et on peut la regarder, à certains égards, comme le commencement du persan moderne. Par là, l’existence du zend lui-même se trouvait datée d’une manière assez approximative, et il était constaté que, dès le cinquième siècle avant notre ère, le zend n’était plus une langue qu’on entendît et qu’on parlât vulgairement en Perse.

Ce qu’il importe de remarquer, dans une étude qui a donné comme celle-ci nais-

  1. Je dois l’indication de ce fait, si honorable pour les travaux de M. Burnouf et pour l’érudition française, à l’obligeante communication de mon savant ami et confrère M. Jules Mohl.