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DU BUDDHISME INDIEN.

Le passage que je viens de citer le dernier me conduit naturellement à parler des moyens qu’employait Çâkya pour convertir le peuple à sa doctrine. Ces moyens étaient la prédication, et, suivant les légendes, les miracles. Laissons pour un moment de côté les miracles, qui ne valent pas mieux que ceux que lui opposaient les Brâhmanes. Mais la prédication est un moyen tout à fait digne d’attention, et qui, si je ne me trompe, était inouï dans l’Inde avant la venue de Çâkya. J’ai déjà insisté, dans la première section de ce Mémoire, sur la différence de l’enseignement buddhique comparé avec celui des Brâhmanes. Cette différence est tout entière dans la prédication, laquelle avait pour effet de mettre à la portée de tous des vérités qui étaient auparavant le partage des castes privilégiées. Elle donne au Buddhisme un caractère de simplicité, et, sous le rapport littéraire, de médiocrité qui le distingue de la manière la plus profonde du Brâhmanisme. Elle explique comment Çâkyamuni fut entraîné à recevoir au nombre de ses auditeurs des hommes que repoussaient les classes les plus élevées de la société. Elle rend compte de ses succès, c’est-à-dire de la facilité avec laquelle se répandit sa doctrine et se multiplièrent ses disciples. Enfin elle donne le secret des modifications capitales que la propagation du Buddhisme devait apporter à la constitution brâhmanique, et des persécutions que la crainte d’un changement ne pouvait manquer d’attirer sur les Buddhistes, du jour où ils seraient devenus assez forts pour mettre en péril un système politique principalement fondé sur l’existence et la perpétuité des castes. Ces faits sont si intimement liés entre eux, qu’il suffit que le premier se soit produit, pour que les autres se soient, avec le temps, développés d’une manière presque nécessaire. Mais les circonstances extérieures ont pu favoriser ce développement ; les esprits ont pu se trouver plus ou moins heureusement préparés ; l’état moral de l’Inde, en un mot, a pu seconder l’empressement du peuple à écouter les enseignements de Çâkya. Voilà ce que les Sûtras qui nous font assister aux premiers temps de la prédication du Buddhisme peuvent seuls nous apprendre, et c’est le sujet sur lequel il importe d’arrêter en ce moment notre attention.

J’ai dit tout à l’heure que le moyen employé par Çâkya pour convertir le peuple à sa doctrine était, outre la supériorité de son enseignement, l’éclat de ses miracles. Les preuves de cette assertion se rencontrent à chaque page des Sûtras, et je vois souvent répétée cette espèce de maxime : « Les miracles opérés par une puissance surnaturelle attirent bien vite les hommes ordinaires[1]. » À ce moyen répondent toujours les sentiments de bienveillance

  1. Sahasôdgata, dans Divya avadâna, f. 156 a.