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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

n’irait voir le Çramana Gâutama ; celui qui ira vers lui sera condamné à une amende de soixante Kârchâpaṇas. Maître de maison, répondit la jeune femme, voici ce que dit Bhagavat : Ton fils porte attachée sur les reins une bourse qui renferme cent pièces d’or ; s’il y prend cent ou mille pièces, la bourse se remplit toujours ; elle ne s’épuise jamais ; et tu ne peux donner soixante Kârchâpaṇas pour venir me voir ! Le maître de maison se dit alors à lui-même : Personne ne le saura, car Bhagavat seul sait tout : je vais aller le voir. Ayant donc laissé soixante Kârchâpaṇas à la porte de sa maison, il descendit par l’échelle que lui avait indiquée la fille du Brahmane, et il se dirigea vers l’endroit où se trouvait Bhagavat. Quand il y fut arrivé, ayant salué ses pieds en les touchant de la tête, il s’assit en face de lui pour entendre la loi. Alors Bhagavat, connaissant quels étaient l’esprit, les dispositions, le caractère et le naturel de Mêṇḍhaka le maître de maison, lui fit l’exposition de la loi propre à faire pénétrer les quatre vérités sublimes, de telle sorte qu’après l’avoir entendue, le maître de maison vit face à face la récompense de l’état de Çrôta âpatti. Quand il eut vu la vérité, il dit à Bhagavat : Seigneur, le corps du peuple qui habite la ville de Bhadram̃kara, recevra-t-il des lois comme celles que je viens d’entendre ? Maître de maison, répondit Bhagavat, la totalité du peuple, après s’être réunie en foule auprès de toi, les recevra. Alors Mêṇḍhaka le maître de maison quitta Bhagavat, après avoir salué ses pieds en les touchant de la tête, et se rendit à sa demeure. Ayant ensuite fait dresser au milieu de la ville un monceau de Kârchâpaṇas, il récita cette stance :

Que celui qui veut voir le Djina vainqueur de la passionn et du péché, affranchi de tout lien, incomparable, miséricordieux et pur, accoure vite avec un cœur constant et bien affermi ; je lui donnerai l’argent nécessaire.

À ces mots le peuple s’écria : Maître de maison, c’est donc un bonheur que la vue du Çramaṇa Gâutama ? Oui, un bonheur, répondit Mêṇḍhaka. Si cela est, reprit la foule, le peuple seul a fait une convention, que le peuple la casse maintenant : qui peut l’en empêcher ? Ayant donc déclaré non avenue la convention, les habitants commencèrent à sortir [de la ville]. Mais comme ils se pressaient les uns contre les autres, ils ne pouvaient sortir. Alors le Yakcha qui porte la foudre, prenant pitié de cette foule destinée à être convertie, lança le tonnerre et abattit une portion du rempart. Plusieurs centaines de mille d’habitants sortirent alors, les uns poussés par un empressement naturel, les autres excités par les anciennes racines de vertu qui étaient en eux. S’étant rendus auprès de Bhagavat, ils saluèrent ses pieds et s’assirent en face de lui[1]. »

  1. Meṇḍhaka, dans Divya avadâna, f. 61 a sqq.