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DU BUDDHISME INDIEN.

miers et des plus fervents disciples de Çâkya, le gardien le prenne pour un mendiant brâhmane et lui ferme la porte[1]. Cette égalité presque complète des deux ordres est exprimée de la manière la plus claire par la formule qui revient à chaque ligne des Sûtras primitifs : Çramana Brâhmaṇa, c’est-à-dire les Çramanas et les Brâhmanes, formule d’après laquelle le seul avantage que se donnent les Buddhistes, c’est de se nommer les premiers[2]. Çâkya est souvent représenté parcourant le pays, entouré de l’Assemblée des Religieux, et suivi d’une foule de Brâhmanes, de marchands et de maîtres de maison[3]. Une formule souvent répétée, et qui a pour objet d’exprimer l’étendue de la science du Buddha, renferme ces mots : « Connaissant les créatures, y compris les Çramanas et les Brâhmanes[4]. » Ces faits et d’autres semblables prouvent que les Buddhistes et les Brâhmanes vivaient ensemble dans le même pays ; ils appartiennent, à ce titre, à l’histoire du Buddhisme indien, et sont certainement antérieurs de bien des siècles à la séparation violente qui a expulsé de l’Hindostan les croyances qui se rattachaient à la prédication de Çâkyamuni.

Le but que se proposait le solitaire de la race de Çâkya n’est pas moins clairement établi par les Sûtras. Il voulait sauver les hommes, en les détachant du monde et en leur enseignant la pratique de la vertu. À cet effet, il cherchait à les convertir à sa doctrine, et à s’en faire des disciples qui pussent la répandre et la perpétuer après lui. Encouragés par l’exemple de ses vertus et par le souvenir des épreuves qu’il leur disait avoir traversées dans des existences antérieures, ses disciples s’imposaient les plus rudes sacrifices pour arriver, comme lui, à la perfection de la sainteté. Il n’est pas rare d’en voir qui renoncent à la vie, dans le désir et la ferme espérance d’arriver un jour à l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Leur dévouement est cependant plus désintéressé que celui des Brâhmanes, qui se livraient à de rudes pénitences, pour partager dans une autre vie le séjour d’Indra ou celui de Brahmâ, car la perfection à

  1. Nâgara avalambikâ, dans Divya avadâna, f. 38 b. Klaproth a déjà constaté qu’il existait au temps de Çâkyamuni plusieurs Brâhmanes du nom de Kâçyapa, qui sont souvent cités dans les légendes, savoir, Mahâ kâçyapa, Uruvilvâ kâçyapa, Gayâ kâçyapa et Nadî kâçyapa. Suivant les textes consultés par Klaproth, ces trois derniers Kâçyapas étaient frères, et on doit les distinguer de Mahâ kâçyapa. (Foe koue ki, p. 292.) Il y faut ajouter le Daçabala kâcyapa, autrement nommé Vâchpa, dont nous avons parlé tout à l’heure en énumérant les cinq premiers disciples de Çâkya, dont il faisait partie. À la mort de Çâkya, ce dernier Kâçyapa était un des quatre plus grands auditeurs de Çâkya qui existassent dans l’Inde. (Csoma, Asiatic Researches, t. XX, p. 315.)
  2. Supriya, dans Divya avad., f. 44 a. Prâtihârya, ibid., f.74 a. Dharma rutchi, ibid., f. 113 a. Djyôtichka, ibid., f. 137 a.
  3. Supriya, dans Divya avad., f. 44 a. Kanaka varṇa, ibid., f. 146 b. Avad. çat., f. 81 b, 101 a, 106 b, 120 b, 122 a, 127 b.
  4. Rûpavatî, dans Divya avad., f. 212 a.