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DU BUDDHISME INDIEN.


passage, et l’on ne s’attend pas sans doute à en trouver ici une classification méthodique ; le point qu’il importe d’établir, c’est l’impression qui résulte, pour tout lecteur impartial, de l’étude des Sûtras, envisagés sous ces divers points de vue.

Un des faits que la lecture des Sûtras et les légendes du Divya avadâna met le mieux en lumière, c’est que Çâkyamuni et ses Religieux étaient placés, au milieu de la société indienne, sur le même rang que les ascètes d’une autre origine. Cette assertion, pour n’être pas exprimée d’une manière aussi affirmative, n’en est pas moins au fond le fait que démontre le plus évidemment l’étude des Sûtras. J’ai rappelé tout à l’heure à quelle discipline Çâkya s’était soumis pour pénétrer les mystères les plus secrets de la science brâhmanique. Aucun des maîtres sous l’enseignement desquels il se place successivement ne trouve ses prétentions insolites, et la légende du Lalita vistara nous apprend même que l’un de ces Brâhmanes partage avec lui son titre de précepteur[1]. Cinq des disciples de ce Brâhmane sont tellement frappés des progrès de Çâkya, qu’ils quittent leur ancien maître pour s’attacher au nouvel ascète[2]. Il est vrai que quand, épuisé par une abstinence excessive, Çâkya est obligé de prendre quelque nourriture et de renoncer à des jeûnes trop prolongés, les cinq disciples, choqués de cette infraction à la règle, l’abandonnent pour aller seuls auprès de Bénarès continuer leur vie de mortifications[3] ; mais Çâkya les retrouve

  1. Lalita vistara, f. 129 a et b de mon man.
  2. Lalita vistara, f. 139 b de mon man. Le Mahâvastu cite les noms de ces cinq premiers disciples qui sont appelés « de bonne caste. » Il n’est pas sans intérêt de les comparer avec les transcriptions qu’en donnent les Chinois. (Foe koue ki, p. 310.) Le premier cité est Âdjñâta Kâuṇḍinya : les Chinois le nomment A jo kiao tchhinju, et disent très-bien que A jo (Âdjñâta) signifie sachant, et que Kâuṇḍinya est le nom de famille de ce Brâhmane ; on connaît en effet une famille brâhmanique des Kâuṇḍinyas. Le second est Açvadjit, chez les Chinois O pi, ou selon Hiuan thsang, A chy pho chy. (Foe koue ki, p. 267.) Son nom est exactement rendu par « maître du cheval. » Ce Religieux était de la famille de Çâkya. Le troisième est Bhadraka ou Bhadrika, chez les Chinois Po thi. Quelque éloignée que cette transcription paraisse être de l’original, sans doute parce qu’elle passe à travers le milieu du pâli, elle n’en est pas moins rendue très-probable par la traduction de « petit sage » qu’en donnent les Chinois. La notion de petit est en effet dans le suffixe ka de Bhadruka. On dit que ce personnage était également de la famille de Çâkya, et l’on trouve la légende de sa conversion au Buddhisme dans l’Avadâna çataka. (f. 214 b.) Le quatrième est Vâchpa, que les Chinois connaissent sous le nom de Daçabala Kâçyapa ; mais ils lui donnent aussi le nom de Pho fou, qui ne peut être autre chose que Vâchpa, d’autant plus que Pho fou est traduit en tibétain par Rlangs-pa, ce qui est exactement le sens du sanscrit vâchpa (vapeur) ; ce Religieux tenait à Çâkya par ses oncles maternels. Le cinquième est Mahârâta, ou plutôt Mahânâma, comme l’écrit Csoma. (Asiat. Researches, t. XX, p. 293.) Les Chinois transcrivent exactement ce nom Ma ha nan (Foe koue ki, p. 203) ; ils lui donnent encore celui de Keou li thai tseu, « le prince royal Keou li. » Mahânâma était le fils ainé du roi Amitôdana et le cousin germain de Çâkya. (Mahâvastu, f. 356 a de mon man. Csoma, Asiat. Researches, t. XX, p. 293.)
  3. Lalita vistara, f. 139 b de mon man.