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DU BUDDHISME INDIEN.

perfection qu’il s’était formé. Le Brâhmane qui exerçait les fonctions de prêtre de famille auprès du roi Çuddhôdana fut chargé de chercher la femme accomplie que désirait le prince, et il la trouva dans la maison d’un artisan de Kapilavastu, nommé Daṇḍapâṇi. En conséquence, le roi Çuddhôdana lui fit demander sa fille pour le jeune Çâkya. Mais que répond Daṇḍapâṇi ? « Seigneur, le prince a été élevé dans sa maison au sein du bonheur ; et de plus, c’est une loi de famille parmi nous, que nos filles ne soient données en mariage qu’à celui qui sait un métier, et non à un autre. Or le prince ne connaît aucun métier ; il ne sait manier ni l’épée, ni l’arc, ni le carquois, etc.[1]. » Le roi s’arrête devant cette objection, et Çâkya est obligé de montrer les connaissances qu’il possède dans tous les arts, connaissances au nombre desquelles sont comprises celles qui ont trait aux arts libéraux, comme l’étude des vocabulaires antiques (Nighaṇṭu), la lecture des livres sacrés, des Vêdas, des Purâṇas, des Itihâsas, des traités de grammaire, l’explication des termes obsolètes, la lecture, la métrique, le rituel, l’astronomie[2].

Le second principe de la conservation des castes était l’hérédité des professions, et ce principe n’était pas moins généralement respecté que le premier. Le fils du marchand suivait la profession de son père[3] ; le fils du boucher était boucher, parce que son père et ses ancêtres l’avaient été avant lui[4]. Respectés par toutes les classes, depuis le Brâhmane jusqu’au Tchâṇḍâla, les deux principes que je viens de rappeler formaient la base sur laquelle reposait l’édifice de la société dont le Mânava dharma çâstra nous a conservé le plan et le tableau.

C’est au milieu d’une société ainsi constituée que naquit, dans une famille de Kchattriyas, celle des Çâkyas de Kapilavastu, qui se prétendait issue de l’antique race solaire de l’Inde, un jeune prince qui, renonçant au monde à l’âge de vingt-neuf ans, se fit Religieux sous le nom de Çâkyamuni, ou encore de Çramaṇa Gâutama. Sa doctrine, qui selon les Sûtras était plus morale que métaphysique, au moins dans son principe[5], reposait sur une opinion admise comme un fait, et sur une espérance présentée comme une certitude. Cette opinion, c’est que le monde visible est dans un perpétuel changement ; que la mort succède à la vie, et la vie à la mort ; que l’homme, comme tout ce qui

  1. Lalita vistara, ch. xii, fol. 79 b, et 80 a de mon manuscrit. Une circonstance analogue se trouve rapportée dans une des légendes tibétaines du recueil récemment publié par M. Schmidt. (Der Weise und der Thor, p. 334 et 335, trad. all.)
  2. Lalita vistara, ch. xii, fol. 87 a.
  3. Kôṭikarṇa, dans Divya avad., fol. i et pass.
  4. Id. ibid., fol. 5 b.
  5. Ce fait n’a pas échappé à M. Benfey. (Indien, p. 201, extrait de l’Encyclopédie d’Ersch et Gruber.)