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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

« Quand mon corps était doux comme la fleur du lotus, qu’il était orné de parures et de vêtements précieux, qu’il avait tout ce qui attire les regards, j’ai été assez malheureuse pour ne pouvoir te voir.

« Aujourd’hui pourquoi viens-tu contempler ici un corps dont les yeux ne peuvent supporter la vue, qu’ont abandonné les jeux, le plaisir, la joie et la beauté, qui inspire l’épouvante et qui est souillé de sang et de boue ?

« Upagupta lui répondit : Je ne suis pas venu auprès de loi, ma sœur, attiré par l’amour du plaisir ; mais je suis venu pour voir la véritable nature des misérables objets des jouissances de l’homme[1]. »

Upagupta ajoute ensuite quelques autres maximes sur la vanité des plaisirs et la corruption du corps ; ses discours portent le calme dans l’âme de Vâsavadattâ, qui meurt après avoir fait un acte de foi en Buddha, et qui va renaître aussitôt parmi les Dieux.

J’ai cité ce morceau tout entier, quoiqu’il ne se rattache à la discussion présente que par un trait unique, la punition de Vâsavadattâ condamnée par la volonté souveraine du roi. J’ajouterai seulement ici que la légende n’est pas contemporaine de Çakyamuni, car elle se trouve dans un texte qui, comme je le ferai voir autre part, est certainement postérieur à l’époque d’Açôka (Kâlâçôka).

Aux traits que je viens de citer, j’en ajouterai deux autres qui nous font pénétrer assez avant dans les habitudes de la caste royale.

« Un Brâhmane de Tchampâ[2] avait une fille d’une grande beauté. Les astrologues lui prédirent qu’elle mettrait au jour deux fils, dont l’un serait un monarque souverain, l’autre un Religieux éminent par sa sainteté. Enhardi par cette prédiction, le Brâhmane alla présenter sa fille à Bindusâra, roi de Pâtaliputtra, qui l’accepta et la fit entrer dans l’appartement des femmes. À la vue de la jeune fille, les épouses du roi redoutant l’empire que sa beauté pouvait lui donner sur l’esprit de Bindusâra, résolurent de la faire passer pour une femme de la caste abjecte des barbiers, et lui apprirent à soigner la barbe et la chevelure du roi.

« La jeune fille devint bientôt habile dans ce métier, et chaque fois qu’elle

  1. Pâm̃ça pradâna, dans Divya avad., f. 175 b. Le recueil des légendes tibétaines publié récemment par M. Schmidt reproduit le fonds de ce récit ; mais en l’abrégeant beaucoup, il lui ôte une partie de son intérêt. (Der Weise und der Thor, p. 385, trad. all.)
  2. Tchampâ est une ville anciennement célèbre qui joue déjà un rôle important dans les traditions de Mahâbhârata. Fa hian la visita au commencement du ve siècle. (Foe koue ki, p. 328 et 329.) Il est probable qu’elle était située, sinon sur l’emplacement de Tchampapour ou Tchampenagar, ville voisine de Bhâgalpour, du moins non loin de là. (Wilson, Journ. Roy. Asiat. Soc., t. V, p. 134.)