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DU BUDDHISME INDIEN.

courtisane. Alors Vâsavadattâ, poussée par la cupidité, assassina le fils du chef d’artisans, qui était chez elle, jeta son corps au milieu des ordures et se livra au marchand. Au bout de quelques jours, le jeune homme fut retiré de dessous les ordures par ses parents, qui dénoncèrent l’assassinat. Le roi donna aussitôt l’ordre aux exécuteurs d’aller couper à Vâsavadattâ les mains, les pieds, les oreilles et le nez, et de la laisser dans le cimetière. Les bourreaux exécutèrent l’ordre du roi, et abandonnèrent la courtisane dans le lieu indiqué.

« Cependant Upagupta entendit parler du supplice qui avait été infligé à Vâsavadattâ, et aussitôt cette réflexion lui vint à l’esprit : Cette femme a jadis désiré me voir dans un but sensuel [et je n’ai pas consenti à ce qu’elle me vît]. Mais aujourd’hui que les mains, les pieds, le nez et les oreilles lui ont été coupés, il est temps qu’elle me voie, et il prononça ces stances :

« Quand son corps était couvert de belles parures, qu’elle brillait d’ornements de diverses espèces, le mieux pour ceux qui aspirent à l’affranchissement et qui veulent échapper à la loi de la renaissance était de ne pas aller voir cette femme.

« Aujourd’hui qu’elle a perdu son orgueil, son amour et sa joie, qu’elle a été mutilée par le tranchant du glaive, que son corps est réduit à sa nature propre, il est temps de la voir.

« Alors, abrité sous un parasol porté par un jeune homme qui l’accompagnait en qualité de serviteur, il se rendit au cimetière avec une démarche recueillie. La servante de Vâsavadattâ était restée auprès de sa maîtresse par attachement pour ses anciennes bontés, et elle empêchait les corbeaux d’approcher de son corps. [En voyant Upagupta] elle lui dit : Fille de mon maître, celui vers lequel tu m’as envoyée à plusieurs reprises, Upagupta, s’avance de ce côté. Il vient sans doute attiré par l’amour du plaisir. Mais Vâsavadattâ entendant ces paroles lui répondit :

« Quand il me verra privée de ma beauté, déchirée par la douleur, jetée à terre, toute souillée de sang, comment pourra-t-il éprouver l’amour du plaisir ?

« Puis elle dit à sa servante : Amie, ramasse les membres qui ont été séparés de mon corps. La servante les réunit aussitôt et les cacha sous un morceau de toile. En ce moment Upagupta survint, et il se plaça debout devant Vâsavadattâ. La courtisane le voyant ainsi debout devant elle, lui dit : Fils de mon maître, quand mon corps était entier, qu’il était fait pour le plaisir, j’ai envoyé à plusieurs reprises ma servante vers toi, et tu m’as répondu : Ma sœur, il n’est pas temps pour loi de me voir. Aujourd’hui que le glaive m’a enlevé les mains, les pieds, le nez et les oreilles, que je suis jetée dans la boue et dans le sang, pourquoi viens-tu ? Et elle prononça les stances suivantes :