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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


les Brahmanes, un acte de ce despotisme violent, dont le roi du Kôçala est l’auteur. C’est l’ordre que, sur un simple soupçon, il donne de mutiler son propre frère, en lui faisant couper les pieds et les mains[1]. On peut supposer que les rois avaient droit de vie et de mort sur leurs sujets, ou au moins qu’il suffisait de leur décision pour que le coupable fût à l’instant exécuté. Je vais citer, à cette occasion, un exemple qui prouve que, dans le cas même d’un crime justement punissable, leur volonté seule était consultée. Le texte qui va suivre aura de plus l’avantage de nous faire apprécier le véritable caractère des légendes buddhiques.

« Il y avait à Mathurâ[2] une courtisane nommée Vâsavadattâ. Sa servante se rendit un jour auprès d’Upagupta pour lui acheter des parfums. Vâsavadattâ lui dit à son retour : Il paraît, ma chère, que ce marchand de parfums te plaît, puisque tu lui achètes toujours. La servante lui répondit : Fille de mon maître, Upagupta, le fils du marchand, qui est doué de beauté, de talent et de douceur, passe sa vie à observer la loi. En entendant ces paroles, Vâsavadattâ conçut de l’amour pour Upagupta, et enfin elle lui envoya sa servante pour lui dire : Mon intention est d’aller te trouver ; je veux me livrer au plaisir avec toi. La servante s’acquitta de sa commission auprès d’Upagupta ; mais le jeune homme la chargea de répondre à sa maîtresse : Ma sœur, il n’est pas temps pour toi de me voir. Or il fallait, pour obtenir les faveurs de Vâsavadattâ, donner cinq cents Purâṇas[3]. Aussi la courtisane s’imagina-t-elle que [s’il la refusait, c’est qu’] il ne pouvait pas donner les cinq cents Purâṇas. C’est pourquoi elle lui envoya de nouveau sa servante, afin de lui dire : Je ne demande pas au fils de mon maître un seul Kârchâpaṇa ; je désire seulement me livrer au plaisir avec lui. La servante s’acquitta encore de cette nouvelle commission, et Upagupta lui répondit de même : Ma sœur, il n’est pas temps pour toi de me voir.

Cependant le fils d’un chef d’artisans était venu s’établir chez Vâsavadattâ, quand un marchand, qui amenait du nord cinq cents chevaux qu’il voulait vendre, entra dans la ville de Mathurâ, et demanda quelle était la plus belle courtisane ; on lui répondit que c’était Vâsavadattâ. Aussitôt prenant cinq cents Purâṇas et une grande quantité de présents, il se rendit chez la

  1. Prâtihârya, dans Divya avad., f. 75 a.
  2. Mathurâ est presque aussi célèbre dans les légendes des Buddhistes que dans les livres des Brahmanes. Cette ville, qui est située sur la rive droite de la Yamunâ, fut visitée, au commencement du ve siècle, par Fa hian, qui y trouva le Buddhisme florissant. (Foe koue ki, p. 99 et 102.)
  3. Voyez, sur ce mot et sur celui de Kârchâpâṇa qui vient plus bas, une note qui a été rejetée à la fin du volume, Appendice, no III.