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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


de la légende de Çâkyamuni expose succinctement les raisons de son choix, et voici ce qu’il nous apprend en ce qui touche la famille.

« Pourquoi, ô Religieux, le Bôdhisattva fait-il l’examen de la famille dans laquelle il doit naître ? C’est que les Bôdhisattvas ne naissent pas au sein des familles abjectes, comme celles des Tchâṇḍalas, des joueurs de flûte, des fabricants de chars, et des Puchkasas. Il n’y a que deux races au milieu desquelles ils naissent, la race des Brahmanes et celle des Kchattriyas. Quand c’est principalement aux Brahmanes que le monde témoigne du respect, c’est dans une famille de Brahmanes que les Bôdhisattvas descendent sur la terre. Quand au contraire c’est principalement aux Kchattriyas que le monde témoigne du respect, alors ils naissent dans une famille de Kchattriyas. Aujourd’hui, ô Religieux, les Kchattriyas obtiennent tous les respects des peuples ; c’est pour cela que les Bôdhisattvas naissent parmi les Kchattriyas[1]. »

Ici, on le voit, l’existence et la supériorité des deux premières castes est bien clairement avouée, et cela dans quel ouvrage ? Dans l’un des neuf livres canoniques du Nord, dans la vie même de Çâkyamuni Buddha. Et cette espèce de thème par lequel sont déterminées d’avance les limites entre lesquelles doit se renfermer le choix du Bôdhisattva est appliqué avec rigueur à tous les Buddhas fabuleux ou réels qui ont précédé Çâkyamuni, puisqu’il en est bien peu que les légendes fassent naître dans une autre caste que celle des Brahmanes et des Kchattriyas. Je n’insiste en ce moment que sur la plus générale des conséquences qui résultent de ce texte, celle de l’existence de deux premières castes, et notamment de celle des Kchattriyas ; j’y reviendrai tout à l’heure quand j’examinerai l’influence politique de la prédication de Çâkya sur l’organisation de la société indienne.

Les Sûtras nous donnent moins de détails sur les Kchattriyas que sur les Brahmanes, par une double raison. La première, c’est que les Brahmanes sont les adversaires véritables des Buddhistes, et que c’est à les convertir que s’attache Çâkyamuni ; la seconde, c’est que les Kchattriyas paraissent avoir favorisé d’une manière spéciale un ascète qui sortait de la même caste qu’eux. Les Sûtras et les légendes sont remplis des marques de bienveillance que Çâkyamuni recevait de Bimbisârâ[2], roi du Magadha, de Prasênadjit, roi du Kôçala, et

  1. Lalita vistara, f. 13 b de mon man. Je relèverai dans l’Esquisse historique les noms des rois contemporains de Çâkyamuni, en y ajoutant les détails dont ces noms se trouvent accompagnés dans les légendes. La réunion de ces détails forme un tableau unique dans l’histoire de l’Inde ancienne, vers le septième ou le sixième siècle avant notre ère.
  2. Il n’est pas facile de déterminer, d’après nos manuscrits, quelle doit être l’orthographe de ce nom propre, qui joue un grand rôle dans les légendes relatives à la vie et à la prédication de Çâkya. On pourrait rassembler autant d’autorités pour l’orthographe Bimbasâra que pour