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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

assertion, il en viendra s’ajouter encore d’autres à mesure que nous avancerons dans nos recherches, et c’est à dessein que je les omets en ce moment.

Il en est cependant un que je ne puis passer ici sous silence, parce qu’il me paraît une des preuves les plus convaincantes de l’antériorité des Brahmanes à l’égard des Buddhistes. C’est l’emploi que font tous les textes sanscrits du Népâl, et notamment les Sûtras (c’est-à-dire ceux que j’ai des raisons pour déclarer les plus anciens), du mot de Brahma tcharya, pour désigner d’une manière générale les devoirs de la vie religieuse d’un Buddhiste, et en particulier la chasteté. Si ce terme était rarement employé, ce ne serait pas encore chose facile que d’en expliquer la présence dans des textes buddhiques où l’on attendrait à sa place Buddha tcharya, expression qui existe également, mais qui signifie exactement le Buddhisme, et qui est à peu près synonyme de Buddha mârga, « la voie du Buddha. » Mais aucun terme n’est aussi commun dans les Sûtras ; il figure même dans la plus importante des formules, dans la phrase par laquelle celui qui se sent des dispositions à se faire Buddhiste exprime devant Çâkya, ou devant l’un de ses disciples, le vœu qu’il fait d’entrer dans la vie religieuse : « Puissions-nous, ô Bhagavat, sous la discipline de la loi bien renommée, entrer dans la vie religieuse, recevoir l’investiture et devenir Religieux ! Puissions-nous, seigneur, accomplir sous Bhagavat les devoirs du Brahma tcharya ! Alors Bhagavat leur répondit avec sa voix de Brahmâ : « Venez, enfants, accomplissez les devoirs du Brahma tcharya[1]. »

Ce terme reçoit sans doute une acception un peu plus étendue dans des phrases comme les suivantes : « Ils répandront ma loi religieuse (Brahma tcharya), » dit le Buddha ; à quoi son adversaire, qui est le péché, répond avec la même formule : « Ta loi religieuse est répandue, elle est admise par beaucoup de gens, elle est devenue immense. » Vâistârikam tê Brahma tcharyam, bâhudjanyam, prĭthubhûtam[2]. J’en dirai autant de cette formule : « De manière que la loi religieuse (Brahma tcharya) subsiste longtemps[3]. » Dans tous ces passages et dans beaucoup d’autres semblables que je pourrais citer ici, il est évident que le terme de Brahma tcharya est pris dans un sens

  1. Supriya, dans Divya avad., f. 46 a. Prâtihârya, ibid., f. 77 et 78 a. Djyôtichka, ibid., f. 140 b. Kanaka varṇa, ibid., f. 149 a. Sahasôdgata, ibid., f. 151 a. Sam̃gha rakchita, ibid., f. 169 a et b. Nâga kumâra, ibid., f. 172 a. Vitâçôka, ibid., f. 207 a. Çârdûla karṇa, ibid., f, 119 a. Tchûḍa pakcha, ibid., f. 277 b. On voit dans notre texte le son de la voix de Çâkyamuni désigné par le terme de voix de Brahmâ, ce qui est une preuve nouvelle du fait que j’ai dessein d’établir. À cette preuve doit se joindre celle que fournit le mot Brahmapatha kôvida, « habile dans la voie de Brahmâ, » que le Lalita vistara donne à Çâkyamuni quand il n’était encore que Bôdhisattva. (Lalita vistara, f. 6 a de mon man.)
  2. Mândhâtrĭ, dans Divya avad., f. 99 b.
  3. Id. ibid., f. 102 a.