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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

et les légendes qui s’y rattachent constituaient le fonds des croyances indiennes. Je ne m’appuie pas seulement sur ces mentions des Vêdas, que l’on remarque presque à chaque page des Sûtras simples ; car ce fait prouve uniquement l’antériorité des uns à l’égard des autres. Je suis beaucoup plus frappé du rôle que joue dans les Sûtras buddhiques une Divinité célèbre également dans les Vêdas et dans les Pûranas, mais qui rencontre certainement moins de rivaux dans les premiers que dans les seconds. Je veux parler d’Indra ou de Çakra, comme on l’appelle, de ce Dieu, héros des Vêdas, qui paraît à lui seul plus souvent dans les Sûtras que tous les autres Dieux réunis ensemble. Je n’en veux pas conclure que les Sûtras buddhiques soient contemporains des Vêdas brâhmaniques ; bien au contraire, il y a, selon moi, une distance immense entre ces deux classes de livres. Je veux seulement dire que le Brâhmanisme, tel qu’il paraît dans les Sûtras, offre certainement un état intermédiaire de la religion indienne, état qui se rapproche plus de la simplicité un peu nue des croyances védiques que de l’exubérance des développements qui surchargent les Purâṇas. Je ne puis m’empêcher de penser qu’au temps où ont été rédigés les Sûtras, ou pour m’exprimer d’une manière moins exclusive, au temps dont les Sûtras nous ont conservé le souvenir, la mythologie indienne ne s’était pas encore enrichie de ce luxe de fables qui ont quelquefois leur point de départ dans les Vêdas, mais qui ne se sont cependant trouvées jusqu’ici en entier que dans les Purâṇas.

Les détails que les Sûtras nous donnent sur l’état de la société indienne au temps de la prédication de Çâkya sont beaucoup plus nombreux et plus importants que ceux qui concernent la religion, et cette différence est facile à comprendre. En effet, les rédacteurs de ces traités n’avaient à parler des croyances populaires qu’accidentellement, et toujours plus pour les réfuter que pour les exposer ; tandis qu’ils ne pouvaient passer sous silence la société au milieu de laquelle avait paru Çâkyamuni, et qu’il rencontrait à chaque pas. Sous ce rapport les Sûtras sont presque tous d’un intérêt remarquable, et il serait impossible d’extraire tout ce que renferment en ce genre les plus curieux de ces traités, sans les traduire entièrement. J’en rapporterai toutefois ici les traits les plus caractéristiques, ceux qui expriment le mieux la forme véritable d’une société.

L’Inde était soumise au régime des castes, et ces castes étaient celles des Brâhmanes, des Kchattriyas, des Vâiçyas, des Çûdras et des Tchâṇḍâlas, sans parler de quelques autres sous-divisions des classes inférieures. C’est là un point que, suivant la remarque de M. Hodgson, aucun auteur buddhiste n’a jamais contesté[1]. Les noms de ces castes sont cités à tout instant, et leur existence

  1. Quot. from orig. Sanscr. Auth., dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. V, p. 31. Dès 1830,