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DU BUDDHISME INDIEN.

lesquelles le père et la mère sont parfaitement honorés [etc. comme ci-dessus]. Pourquoi cela ? C’est que, pour un fils de famille, un père et une mère sont, d’après la loi, le feu du sacrifice lui-même. Le feu [domestique], ô Religieux, est avec les familles dans lesquelles le père et la mère sont parfaitement honorés [etc. comme ci-dessus]. Pourquoi cela ? C’est que, pour un fils de famille, un père et une mère sont, d’après la loi, le feu domestique lui-même. Le Dêva [sans doute Indra], ô Religieux, est avec les familles dans lesquelles le père et la mère sont parfaitement honorés [etc. comme ci-dessus]. Pourquoi cela ? C’est que, pour un fils de famille, un père et une mère sont, d’après la loi, le Dêva lui-même[1]. »

Les témoignages que je viens de résumer marquent nettement le rapport des Dieux populaires de l’Inde avec le fondateur du Buddhisme. Il est évident que Çâkyamuni a trouvé leur culte déjà existant, et qu’il ne l’a pas inventé. Il a pu dire, et les auteurs des légendes ont pu croire qu’un Buddha était supérieur, en cette vie même, aux plus grands des Dieux reconnus de son temps dans l’Inde, à Brahmâ et à Indra ; mais il n’a pas créé ces Dieux, non plus que Çiva et les autres, pour le plaisir d’en faire les ministres de ses volontés. La puissance surnaturelle dont il se disait doué suffisait certainement à l’exécution de tout ce qu’il faisait accomplir par Indra et par les autres Divinités inférieures ; et j’ai la conviction intime que si Çâkya n’eût pas rencontré autour de lui un Panthéon tout peuplé des Dieux dont j’ai donné les noms, il n’eût eu aucun besoin de l’inventer pour assurer à sa mission l’autorité que le peuple pouvait refuser à un homme. Car, ceci est bien important à remarquer, Çâkya ne vient pas, comme les incarnations brâhmaniques de Vichṇu, montrer au peuple un Dieu éternel et infini, descendant sur la terre et conservant, dans la condition mortelle, le pouvoir irrésistible de la Divinité. C’est le fils d’un roi qui se fait Religieux, et qui n’a, pour se recommander auprès du peuple, que la supériorité de sa vertu et de sa science.

La croyance universellement admise dans l’Inde, qu’une grande sainteté est nécessairement accompagnée de facultés surnaturelles, voilà le seul appui qu’il devait trouver dans les esprits[2] ; mais c’était là un secours immense, et qui lui donnait le moyen de se créer un passé d’épreuves et de vertus pour justifier sa mission. Ce passé cependant n’était pas exclusivement divin ; le Buddha avait, ainsi que tous les êtres, roulé dans le cercle éternellement mobile de la transmigration ; il avait traversé plusieurs existences dans des corps d’animaux,

  1. Avadâna çataka, f. 79 b.
  2. Benfey, Indien, p. 200 et 201, extrait de l’Encyclopédie d’Ersch et Gruber.